Algues vertes, un danger pour les écosystèmes

Depuis plus de 50 ans, les marées vertes font partie du quotidien breton. Apparu pour la première fois en 1971, ce phénomène se répète inlassablement chaque année. Pire, il prend de l’ampleur. Les côtes de Bretagne et de Normandie sont submergées par ces marées pestilentielles aux conséquences environnementales et sanitaires sans précédent. Des dizaines de milliers de ces laitues de mer souillent le sable fin, menaçant la santé des promeneurs et celle de leurs animaux de compagnie. D’où vient ce fléau ? Pourquoi les algues vertes sont-elles si dangereuses ? Quels sont les moyens d’action déployés pour endiguer la crise ? Explications.

Les algues vertes : une pollution envahissante

Vous vous demandez peut-être d’où viennent les algues vertes qui envahissent les plages armoricaines ? En fait, elles font partie, à part entière, de l’écosystème marin breton. On les appelle « laitues de mer », car elles ressemblent à s’y méprendre à de grosses salades iodées. D’ailleurs, les algues de type Ulva sont comestibles.

Comment un végétal employé en cuisine pourrait-il être létal ? Vous le savez, dans la nature, tout est question d’équilibre et quand les algues vertes de Bretagne se multiplient, elles se déposent en masse sur les côtes où elles s’accumulent au fil des marées pour former des monticules de débris organiques. Sous l’action du soleil et de la chaleur, la partie supérieure de ces dépôts sèche et se solidifie. Elle devient hermétique, interdisant ainsi les échanges gazeux. Les couches inférieures sont alors privées d’oxygène, entraînant la libération de bactéries anaérobies présentes naturellement dans les ulves. Celles-ci produisent de grandes quantités de soufre qui se dégradent jusqu’à créer du sulfure d’hydrogène (H2S). De quoi s’agit-il ? Le sulfure d’hydrogène, ou hydrogène sulfuré, est un composé chimique qui, à concentration élevée, devient mortel s’il est inhalé.

Pourquoi les marées vertes envahissent-elles la Bretagne et la côte normande ?

Vous vous demandez sans doute d’où arrive ce fléau ? Quelles sont les conditions qui favorisent le développement de ces algues toxiques ?

algue verte ou laitue de mer sous l'eau

En principe, la croissance des Ulves de Bretagne est due à 3 facteurs particuliers :

  1. La mer est peu profonde et claire le long des plages armoricaines et les rayons UV atteignent le fond de l’eau sans obstacle. Par conséquent, la photosynthèse est excellente.
  2. Le faible courant du littoral ne permet pas la dispersion des algues surnuméraires au large.
  3. Les eaux sont souillées par de l’azote, un élément chimique bénéfique au développement des laitues de mer.

D’où proviennent les nitrites qui contaminent le littoral breton ?

Les nitrates sont des produits très solubles dans l’eau. Ils proviennent, en grande partie, de la pollution agricole.

En fait, les élevages pullulent dans cette région de France. On y produit du lait, des œufs et de la viande en grand volume dans des fermes industrielles, pour beaucoup hostiles à la transition écologique. Bien que la Bretagne ne couvre que 7 % de la surface agricole française, on y trouve 50 % des exploitations porcines, 50 % des élevages de volailles et 30 % de l’agriculture bovine. Cette forte concentration animale génère des tonnes de déchets organiques. Selon l’association Eau et Rivières : « La quantité de lisier, de fientes et de fumier produite chaque année dans les 4 départements bretons équivaut aux déjections émises par 50 millions d’habitants. »

vue sur une ferme-usine surpeuplée de cochons, dont les déjections se transformeront en algues vertes

Vous vous demandez peut-être comment cette pollution rejoint la mer ? C’est simple, la pluie lave les sols agricoles, emportant avec elle les souillures animales vers les cours d’eau. Puis les rivières se font des fleuves et ces fleuves gagnent l’océan, déversant alors des concentrations de nitrates extrêmes autour des côtes. Les conséquences sont graves : désormais, les eaux bretonnes contiennent des taux d’azote parfois 10 fois supérieurs à la norme.

La présence de nitrate marin favorise un phénomène biologique bien connu des scientifiques : l’eutrophisation. En un mot, les algues et les micro-organismes présents dans l’eau se nourrissent de ces éléments chimiques et prolifèrent. Leur abondance crée des déséquilibres sévères qui privent les poissons et les crustacés d’une bonne partie de l’oxygène disponible.

Selon Greenpeace : « Si l’on veut arrêter les marées vertes, il faut diviser par 3 le taux de nitrate dans l’eau pour le ramener à 10 mg/litre. » L’ONG met l’État français à l’index, elle le juge coupable de faciliter l’installation des fermes-usines. Si certains agriculteurs volontaires ont entrepris une réelle transition écologique, leurs efforts ne permettent, pour l’instant, que des progrès modérés. Les concentrations de nitrates marins restent plus de 3 fois supérieures aux taux recommandés.

Quels sont les risques sanitaires ?

Vous l’aurez compris, les marées vertes polluent les plages armoricaines. Elles se multiplient en mer au détriment de la faune et de la flore locales. Ce n’est pas tout ! Les ulves produisent un gaz nocif lors de leur décomposition. On les accuse même d’être à l’origine de certains accidents.

Depuis 3 décennies environ, la contamination est telle que certains décès pourraient être imputables aux laitues de mer échouées. Le premier drame documenté semble remonter à juillet 1989. Il s’agit d’un jeune homme découvert 3 jours après sa mort, étendu sur un tapis d’algues vertes. En 1999, un ramasseur d’algues est retrouvé inconscient à quelques pas de là. Puis en 2009, Thierry Morfoisse s’éteint sur son lieu de travail alors qu’il était chargé de transporter des ulves vertes. Enfin, en 2016, un joggeur succombe au milieu d’un banc de laitues de mer échouées.

Les êtres humains ne sont pas les seules victimes de ce fléau : en 2013, 36 sangliers périssent sur une plage contaminée, et on ne compte plus les accidents que subissent les chiens, les chevaux et les oiseaux marins.

Les stratégies pour lutter contre la prolifération des algues vertes de Bretagne

Au-delà de l’impact environnemental, la multiplication incontrôlée des ulves vertes est un véritable problème de santé publique auquel il faut répondre par des mesures réfléchies. Depuis les années 1990, l’État français, le conseil régional de Bretagne, les conseils départementaux et l’Agence de l’eau Loire-Bretagne s’associent avec des partenaires territoriaux, des collaborateurs techniques ou financiers et des équipes scientifiques. Ensemble, ils élaborent des solutions pour tenter de maîtriser la prolifération des laitues de mer à l’horizon 2027. Ils coordonnent un plan de lutte spécifique, en 4 volets (préventif, sanitaire, curatif, scientifique) pour endiguer le fléau dans 8 zones particulières : les « baies d’algues vertes ».

Les 4 volets du « plan algues vertes » sont les suivants :

  • un volet préventif pour réduire significativement les flux d’azote qui s’écoulent vers les baies polluées ;
  • un volet sanitaire, conformément aux recommandations du Haut Conseil de santé publique, pour doter les collectivités d’outils de surveillance, d’accompagnement et d’information efficaces ;
  • un volet curatif, sous forme de subvention, pour encourager la collecte systématique des algues vertes échouées sur les côtes ;
  • un volet scientifique pour recueillir des données et favoriser l’innovation.

Ces 4 grands axes visent à répondre, au mieux, aux besoins des zones affectées pour préserver l’environnement, l’économie locale et le tourisme, mais aussi la santé des habitants.


Vous vous demandez peut-être ce que deviennent les algues vertes ramassées sur les plages de Bretagne ? En fait, elles peuvent être détruites ou revalorisées. Comment ? En les transformant, après séchage contrôlé, en aliments pour les animaux d’élevage ou en fertilisant naturel. Une fois flétris et compostés, ces végétaux, généreux en nutriments, enrichissent le sol sans produire d’hydrogène sulfuré. Vous voulez en apprendre davantage sur les bio-engrais ? Échooo Magazine vous conseille la lecture de l’article Remplacer les engrais de synthèse : bientôt des solutions ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *