L’alimentation Bio pourrait nourrir l’Europe en 2050

La croissance démographique fulgurante pose plusieurs enjeux importants pour l’avenir. Parmi ceux-ci, le souci de l’insécurité alimentaire. Nos ressources seront-elles suffisantes pour sustenter tous les futurs habitants de la planète ? Faut-il conserver voire améliorer encore les performances du modèle productiviste actuel ? D’après une récente étude conduite par les scientifiques du CNRS, c’est l’alimentation bio qui pourrait être la solution pour nourrir l’Europe en 2050.

Lorsque nous auront atteint la moitié du XXIe siècle, la population mondiale avoisinera les 10 milliards d’individus, selon un rapport de l’ONU publié en 2019. En fonction des circonstances actuelles, notamment avec l’appauvrissement des sols et la paupérisation des agriculteurs des pays défavorisés, un pronostic de pénurie alimentaire est envisagé. Dans cette étude publiée le 18 juin 2021 dans le magazine One Earth, le CNRS indique 3 leviers essentiels à activer pour parvenir à éviter la crise en suivant un modèle bio et responsable. En premier lieu, diminuer notre consommation de viande. Ensuite, se tourner vers des pratiques de l’agro-écologie. Enfin, réassocier l’agriculture et l’élevage, dont la combinaison limite l’usage des engrais notamment. Au-delà de la possibilité que l’alimentation bio puisse nourrir l’Europe, de l’Ouest comme de l’Est, c’est à une nécessité d’y avoir recours que conclut le Centre National de la Recherche Scientifique.

1. L’alimentation bio peut nourrir l’Europe si l’on réduit la consommation de viande globale

Une transition vers une alimentation biologique, comme le préconise le CNRS, devra également s’accompagner d’une consommation de viande plus raisonnable.

Que gagnerait-on à bannir l’élevage industriel ?

Afin de répondre à des besoins croissants, l’élevage a pris une tournure de plus en plus industrialisée au cours du XXe siècle. Après les basse-cours, les fermes-usines sont devenues la norme. Fini le temps où les cochons et poulets batifolaient dans les champs, place aux hangars sinistres où le bétail est tant entassé que chaque individu peine à se mouvoir. C’est une faible minorité de paysans qui continue d’élever son bétail en plein-air. En traversant la campagne en train, difficile d’apercevoir un seul de ces animaux en extérieur. Seules les vaches foulent encore l’herbe à loisir, puisque celle-ci constitue pour elles une source d’alimentation disponible en grandes quantités.

À l’heure où règne la productivité, la question du bien-être animal est mise de côté. Mais ce n’est pas tout. On se tourne vers des pays exportateurs pour nourrir tous ces animaux de fermes industrielles. Le régime alimentaire du bétail élevé dans ces fermes-usines est composé en partie de protéines bon marché, y compris celui des bovins. Généralement, il s’agit de soja brésilien… Issu de cultures OGM, ce soja a été planté au milieu de la forêt amazonienne, sur des terrains continuellement défrichés dans le but de créer de nouveaux terrains agricoles. De ce fait, l’Europe n’est plus auto-suffisante : elle est actuellement tributaire de pays lointains.

Pourquoi une alimentation bio et locale profiterait-elle à tous ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces dérives ne sont pas nécessairement imputables aux agriculteurs français ou brésiliens. Bien souvent, ces modes d’élevage et d’agriculture sont adoptés massivement par faute de choix. La présence d’intermédiaires dans les circuits de vente, les faibles revenus des agriculteurs peuvent les inciter à avoir recours à des méthodes « hyper-productivistes ».

En mangeant de la viande un peu moins fréquemment, nous pourrions « consommer moins mais mieux », de façon responsable. Le circuit court permettrait de rémunérer les éleveurs au juste prix. Avec un meilleur revenu, ils seraient en mesure d’offrir à leur bétail de meilleurs conditions de vie, davantage d’espace et une nourriture de qualité. Par ailleurs, nous pourrions nous rediriger vers une souveraineté alimentaire en cessant de dépendre de pays d’Outre-Atlantique pour nourrir les animaux d’élevage.

2. L’alimentation bio sera suffisante si l’on applique les principes de l’agro-écologie

Il est évident que la production alimentaire n’a pas toujours été néfaste pour l’environnement. Comment en sommes-nous arrivés là ? Et pourquoi faudrait-il repenser le modèle agricole actuel ?

Comment les traditions se sont-elles perdues ?

L’hyper-industrialisation a éclaté à la suite de l’après Seconde Guerre mondiale, avec notamment le début de la Révolution verte. La nécessité de pallier la grande pénurie entraînée par ces longs conflits armés a poussé les pays affaiblis à l’usage massif et généralisé des engrais azotés, qui assuraient un rendement maximal des cultures. Le traditionnel fumier était remplacé, son usage est depuis lors minoritaire. L’impact des engrais de synthèse est aujourd’hui connu des scientifiques : la surcharge du sol en azote cause leur appauvrissement, obligeant à redoubler d’usage de ces produits… et ainsi se poursuit sans cesse le cycle fermé.

Une étude basée sur 50 ans d’observation et publiée dans le Journal of Environmental Quality atteste de ce phénomène. L’usage de produits phytosanitaires est par ailleurs reconnu comme délétère pour les écosystèmes. C’est particulièrement le cas des pesticides qui détruisent les populations d’insectes pollinisateurs.

De plus, les cultures sont aujourd’hui dissociées les unes des autres dans cette agriculture moderne où tout le monde est spécialisé. Les monocultures mettent en évidence les plantes cultivées, attirant les insectes ravageurs, ce qui contraint à l’usage de pesticides… et l’on se retrouve dans un autre cercle vicieux dont il est difficile de sortir.

L’agroécologie comme solution pour sortir de la boucle sans fin

Au contraire, en agro-écologie, la rotation des cultures diversifiées permet de régénérer les sols. La rotation des cultures consiste à alterner la cultures d’espèces de plantes variées sur une même parcelle de terrain. Or, chaque espèce ayant ses propres besoins en nutriments, elles puisent à des strates du sol différentes, ce qui limite les risques de rendre ceux-ci infertiles sur le long terme. En intégrant des légumineuses fixatrices d’azote, affirme le CNRS, il serait même possible de se passer d’engrais azotés. Il en irait de même pour les pesticides, car des associations de plantes bien pensées permettent d’éloigner les nuisibles. C’est d’autant plus vrai que les cultures diversifiées renforcent l’immunité des plantes (1). Du reste, la diversité des espèces attire moins l’attention des espèces invasives.

3. Reconnecter l’élevage et l’agriculture pour retrouver une synergie

Afin d’accroître le rendement et de s’ouvrir des possibilités d’exportation, l’agriculture moderne est en grande partie spécialisée : chaque agriculteur a tendance à se consacrer à la production d’un seul type d’aliment. Pour autant, avec des populations de bétail importantes et élevées seules (en non combiné à la culture de plantes), on se heurte une fois de plus au problème de la surcharge des sols en azote. Car à l’engrais azoté viennent s’ajouter les déjections animales, qui contiennent également cette substance. En plus d’appauvrir les sols, l’azote entraîne des problèmes d’invasion d’algues vertes dans les eaux et sur les plages, et ce particulièrement en Bretagne.

Pourtant, l’association de l’élevage et de l’agriculture, jadis couramment employée, permettrait d’éviter le problème. Élever des animaux près des cultures de plantes permettrait même d’optimiser la croissance de ces dernières sans avoir recours aux engrais de synthèse. En effet, le fumier est un engrais naturel utilisé depuis des millénaires dans l’agriculture traditionnelle. En outre, ce système permet d’éviter la production de déchets, car les déjections animales ne finissent pas leur course dans le terre et les eaux. Elles sont transformées et recyclées !

L’agriculture et l’élevage tels qu’ils sont pratiqués aujourd’hui, en plus d’être de grands émetteurs de gaz à effet de serre, ont montré d’autres limites sur le plan écologique. En se tournant vers le modèle « bio », on optimise le rendement, tout en préservant les sols et les écosystèmes. Le CNRS a démontré que cette solution serait parfaitement suffisante pour nourrir la planète en 2050.

Alors, à quand une révolution vraiment verte ?

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