L’avenir du pétrole est-il compromis ?

Les compagnies pétrolières se remettent à flot au lendemain de la crise sanitaire. Après des pronostics de fin du règne du pétrole, on constate même un rebond. Mais l’or noir survivra-t-il à la crise climatique et… à son propre foisonnement ?
L’épuisement du pétrole a déjà été annoncé à maintes reprises par le passé. La pénurie a été prévue pour 2030, puis pour 2050… Mais la réalité n’est pas si simple. Différents facteurs peuvent influencer les conjectures. Or, celles-ci se basent uniquement sur les gisements actuellement connus. Finalement, la découverte de nouvelles réserves, le développement de systèmes d’extraction plus efficaces et plus rentables font reculer sans cesse l’échéance annoncée. Cependant, la crise sanitaire, combinée à la crise écologique, menace de mettre un terme au règne de l’or noir. Paradoxalement, peut-être même l’abondance de cet hydrocarbure aura-t-elle raison de lui. L’avenir du pétrole est-il en déclin ?
L’avenir du pétrole mis à mal par la crise sanitaire
La survenue du coronavirus a entraîné des conséquences inattendues sur le cours du pétrole. Les compagnies pétrolières ont enregistré des pertes de plusieurs milliards de dollars. Au total, l’équivalent de 45 milliards d’euros pour le seul deuxième trimestre de l’année 2020 chez les 5 majors (Total, Shell, BP, Exxon et Chevron). Un phénomène surréaliste a même pu être observé aux États-Unis : le prix du baril WTI (West Texas Intermediate) est passé au négatif !
Durant la période de confinement, qui a gelé l’utilisation des transports et alité l’économie mondiale, les réserves de pétrole se sont accumulées dans les entrepôts, inutilisées. En effet, un puits de pétrole, une fois ouvert, ne peut être refermé aisément. Le coût du stockage devenait alors plus important que les gains, bien maigres en cette période où la demande était si faible. Les lieux de stockage sont arrivés à une saturation telle que non seulement les prix se sont effondrés, mais les détenteurs étaient même prêts à payer qui voudrait bien acquérir une partie de leurs réserves.
Pour autant, au lendemain du déconfinement, le marché du pétrole connaît un rebond. La levée des restrictions sanitaires, la vaccination massive encouragent de nouveau l’usage du pétrole dans le secteur du transport. Alors que le président du géant pétrolier britannique BP présageait lui-même le début de la fin du pétrole, les chiffres annoncés par l’AIE (Agence Internationale des Énergies) laissent penser le contraire. La demande mondiale devrait atteindre les 100 barils par jour, comme en 2019, avant la pandémie.
La prévision de la fin du pétrole s’avère donc une fois de plus erronée. Toutefois, de nombreuses compagnies pétrolières ont envisagé une transition vers les énergies renouvelables pendant la crise sanitaire et pourraient poursuivre leur engagement sur cette voie dans les années à venir.
Les énergies renouvelables : un timide virage au sein des compagnies pétrolières
Lorsque l’on envisage que le précieux or noir puisse faire défaut dans les prochaines décennies, c’est vers les énergies renouvelables que se tournent les industriels. C’est ce qui a pu être observé durant la pandémie de coronavirus. Avec les mesures sanitaires prises par les gouvernements au niveau mondial, qui incluaient des périodes de confinement, l’usage des transports avait radicalement diminué. Alors que les barils de pétrole dormaient dans les entrepôts, les compagnies pétrolières ont songé à une réorientation vers des énergies plus propres. Les choix envisagés se portent notamment sur l’éolien et les bornes de recharge pour véhicules électriques.
De nombreux pays se sont engagés en 2015 à atteindre l’objectif « zéro émission nette » d’ici 2050. En plus de la baisse de la demande de pétrole lors du confinement, c’est aussi dans le cadre de cet engagement que les entreprises pétrolières ont commencé à investir dans les énergies vertes. Ainsi, avec l’approbation de ses actionnaires, Total est devenu Total Énergies depuis mai 2021. ExxonMobil et Chevron, sous la pression de leurs propres actionnaires, ont également entamé un virage vers les énergies propres. De son côté, le groupe BP, jusqu’alors en retard par rapport à ses concurrents, a décidé dès 2020 de prendre un tournant vers une offre davantage portée sur le renouvelable.
Des décisions motivées par l’appât du gain plus que par l’urgence écologique… Les énergies propres connaissent une popularité croissante et sont par ailleurs intéressantes en matière de rentabilité. Mais dans l’immédiat, l’important sera le résultat et non l’origine de ces changements. Néanmoins, pour atteindre la neutralité carbone, des mesures plus radicales et plus promptes seraient nécessaires. Le secteur des transports représente environ 59 % de l’utilisation du pétrole. Son rôle est donc déterminant dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pour l’heure, les pays européens semblent plus enclins à entamer cette démarche que les États-Unis.
L’abondance du pétrole le conduira-t-elle à sa perte ?
Les annonces successives d’une arrivée de la fin du pétrole prévue au milieu du XXIe siècle se fondaient sur les réserves connues jusqu’alors. Or, de nouvelles sources ont été découvertes au cours des dernières années.
L’émergence du pétrole non conventionnel
Des réserves de pétrole auparavant considérées comme peu exploitables en raison de leur coût d’extraction sont à présent utilisées. C’est notamment le cas du pétrole de schiste aux États-Unis. Le pétrole, quelle que soit sa variété, est le résultat de la transformation d’une roche riche en matière organique, la roche mère. Le pétrole conventionnel est facilement accessible : on le trouve infiltré dans des roches poreuses et perméables que l’on nomme « réservoirs ». Le pétrole de schiste s’en distingue par le fait qu’il est « piégé » et dispersé dans des roches peu poreuses et est donc difficile à prélever.
Mais depuis 2018, les États-Unis ont mis au point des systèmes d’extraction plus rapides et plus rentables. Ce pays représentant la plus grande réserve de pétrole de schiste juste devant la Russie, l’exploitation de cette ressource a encore de beaux jours devant elle. En 2008, le pic du pétrole conventionnel venait d’être atteint : la moitié des réserves connues avait été consommée. Ce dernier représentait 90 % de la production mondiale, une chute aurait donc dû suivre fatalement. Mais grâce à la nouvelle manne que représentait le pétrole de schiste, l’industrie pétrolière a connu un rebond spectaculaire. Juste au lendemain du choc pétrolier de 2008…
La découverte régulière de gisements
Notre globe est vaste, une immense partie de ses sols demeure encore inexplorée, et cette réalité se démontre continuellement au fil des années. Tout récemment, en juin 2021, un mégagisement a été découvert en Chine sur le site de Changqing, qui renfermerait plus de 1 milliard de tonnes de pétrole de schiste. En décembre 2019, la compagnie pétrolière mexicaine Permex a annoncé la découverte d’un champ de 34 km² environ dans l’État de Tabasco. Dans l’archipel de Bahreïn, situé en face de l’Arabie saoudite, se trouve le premier champ pétrolier à avoir été découvert dans le golfe. Ce site a livré un nouveau gisement en 2018, le plus grand jamais découvert en ces lieux. En mars 2017, c’est en Alaska qu’a été mis au jour une réserve géante qui promet de fournir plus de 1,2 milliard de barils, soit plus de 168 millions de tonnes de pétrole brut. En somme, il est probable que les puits encore enfouis sous terre soient plus nombreux que prévu.
La profusion entraînera-t-elle le pétrole dans sa propre chute ?
En définitive, si dans les années 2010 l’on s’accordait à dire qu’un quatrième choc pétrolier était probable en 2025, les récentes découvertes pointent le contraire. Toutefois, « ce qui est rare est cher », dit un adage bien connu. Cette formule s’applique même au pétrole, cette poule aux œufs d’or de longue date. Peut-être à long terme l’abondance de cette ressource finira-t-elle par entraîner fatalement une baisse de son prix, de telle sorte que ce marché, trop peu lucratif, sera délaissé peu à peu par les compagnies pétrolières au profit d’énergies renouvelables et plus respectueuses de l’environnement. Qui vivra verra…
Articles Liés

L’écologie de la finance : une clé pour la transition vers une économie durable

La transition écologique : comment protéger les communautés les plus vulnérables ?

Dernière rénovation : des actions non violentes pour lutter contre l’inaction climatique

L’écopâturage, une technique d’entretien naturelle pour tous

L’état des terres agricoles en France
