Coopératives Agricoles : ce modèle économique alternatif

Elles jouent un rôle prépondérant dans le secteur coopératif français mais leur action et leur fonctionnement restent encore flous pour la plupart d’entre nous. Les coopératives agricoles, organisations d’agriculteurs et de producteurs, sont des entreprises à part entière. Véritables piliers pour l’agriculture française et l’économie du pays, elles soutiennent les exploitants agricoles, leur permettent d’être plus compétitifs et de proposer au plus grand nombre les meilleurs produits de notre terroir. Comment fonctionnent-elles ? Présentation de la coopérative agricole, ce modèle économique alternatif, à la fois symbole d’équité, de partage, et qui s’inscrit dans une démarche d’innovation durable pour l’avenir.
Un peu d’histoire : à l’origine de la création des coopératives agricoles
La création de la première organisation d’agriculteurs remonte de façon officielle à la fin des années 1880, lorsque Eugène Biraud, agriculteur en Charente-Maritime, fonde la première laiterie coopérative de France. Cet homme, qui a véritablement révolutionné le système agricole de l’époque, se serait inspiré d’autres collectifs existants, notamment des fruitières du Jura (fromageries traditionnelles où les agriculteurs locaux mettaient en commun le lait de leurs élevages). D’abord décrié, son groupement passe de 12 à 162 sociétaires lors de sa première année d’existence.
Depuis près de 150 ans, ces organisations structurent et accompagnent le développement de l’agriculture française. Elles ont façonné notre territoire et ont permis de mettre en valeur à grande échelle les produits les plus nobles issus de la production agricole. Si l’on remonte le fil de l’histoire de l’agriculture française, il est marquant de constater que les producteurs ont choisi de s’inscrire dans un modèle coopératif pour faire face aux grandes crises qui ont balayé le pays, en particulier dans les années 1880 et 1930.
Qu’est-ce qu’une coopérative agricole ?
Principe et actions sur le terrain
C’est une entreprise à part entière, créée et dirigée par des agriculteurs. Ceux-ci rassemblent leurs moyens pour mieux produire et mieux vendre leurs marchandises. Les matières premières sont récoltées et travaillées par la coopérative, pour devenir des produits de consommation courante, que l’on retrouve dans nos assiettes mais aussi dans nos foyers de manière plus large. Ces établissements traitent ainsi :
- les céréales ;
- les fruits et les légumes ;
- les produits laitiers ;
- le lin ;
- le chanvre ;
- la luzerne ;
- le miel ;
- les plantes aromatiques, médicinales, et celles employées pour la fabrication de parfums.
Pour illustrer l’action de ces entreprises au travers d’un exemple concret du quotidien, nous pouvons citer les pommes, qui seront ainsi transformées en jus et d’autres fruits, comme les fraises ou les abricots, qui finiront leur parcours en confiture. Ces établissements fabriquent également des produits dérivés des matières premières employées. C’est notamment le cas des aliments pour animaux, d’isolants pour la maison, de cosmétiques ou encore de matériaux pour se chauffer ou équiper les voitures.
La puissance de ces collectifs en quelques chiffres
Aujourd’hui, les trois quarts des agriculteurs français font partie d’une coopérative. On compte près de 2 400 structures, pour la plupart de petite ou de moyenne taille, qui subviennent ainsi à 70 % des besoins alimentaires en France (une marque alimentaire sur trois vient d’une coopérative). Acteurs de poids de l’économie française, ces collectifs représentent 40 % du chiffre d’affaires total du secteur agroalimentaire. Toutes les coopératives françaises sont d’ailleurs regroupées dans un seul organisme, appelé la Coopération Agricole.
En pratique, comment fonctionnent ces organisations d’agriculteurs ?
Ce modèle entrepreneurial unique met en premier plan l’Homme et pratique la démocratie. Chaque agriculteur est un sociétaire, qui vote à égalité, suivant le principe : une personne = une voix. Chaque membre participe de la même manière au fonctionnement de sa coopérative et à la prise de décisions qui en découle. Ces organisations agissent selon le principe de libre entreprise, c’est-à-dire que les personnes sont au cœur du projet. Elles définissent ensemble les règles et les orientations qu’elles souhaitent donner à leur structure, pour la mener vers leurs objectifs de réussite sur le long terme, tout en visant la compétitivité sur le marché.
Le principe d’entreprise coopérative et collaborative correspond à un modèle économique alternatif, atypique dans le paysage entrepreneurial classique. L’équité et la responsabilité sociale sont au centre de cette vision d’entreprise innovante. Ces structures ont un rôle économique, mais aussi culturel et social, notamment en matière d’emploi et de formation.
S’organiser en entreprise coopérative pour mieux réussir
Se rassembler en coopérative, c’est finalement mettre en commun toutes les forces pour réussir ensemble ce que l’on ne peut pas faire seul. Cela permet d’avancer avec une vision globale partagée, des moyens et des objectifs communs, en donnant à ses participants les moyens de s’épanouir et de grandir. Ainsi, être membre d’un groupement d’agriculteurs apporte de nombreux avantages, parmi lesquels :
- partager les charges ;
- lisser les investissements ;
- créer des marques reconnues ;
- se développer pour l’exportation ;
- réduire les risques.
Les agriculteurs-coopérateurs peuvent aussi gagner en autonomie et renforcer leur pouvoir économique. En effet, en intégrant ces structures, ils bénéficient de moyens plus importants et peuvent donc devenir plus compétitifs, en particulier s’ils exercent sur des marchés très concurrentiels. En résumé, une coopérative agricole fonctionne sur le principe universel que l’union fait la force !
Un modèle alternatif au service du développement socio-économique des territoires ruraux
Une importance capitale dans la vie des campagnes françaises
Ces structures sont implantées directement pour la plupart à proximité des lieux de production, c’est-à-dire en territoire rural. Pour cette raison, elles ne sont pas délocalisables et participent donc à la vie et au développement de régions entières. Elles nourrissent l’économie locale, rayonnent au niveau national et pèsent également lourd dans toute la balance économique française. Il n’y a pas d’actionnaires extérieurs. Les profits sont redistribués entre les producteurs et des fonds sont gardés pour assurer la solidité et la pérennité de l’entreprise pour les futures générations d’exploitants.
Coopératives agricoles : un moteur de l’emploi dans les territoires ruraux
Ces organisations coopératives emploient environ 190 000 salariés partout en France. Elles apportent un soutien indispensable, en particulier dans les zones rurales, où elles représentent parfois la seule possibilité d’emploi (74 % de leurs sièges sociaux y sont implantés). Ces structures alternatives participent directement à la préservation de notre France rurale, qui est une composante essentielle de notre patrimoine culturel. Les coopératives agricoles agissent contre la désertification des campagnes, contribuent à limiter les fractures sociales et maintiennent la vie locale et collective.
De nombreuses activités professionnelles sont représentées, avec plus de 650 métiers répertoriés dans les conventions du secteur. Enfin, ce modèle atypique d’entreprise est un représentant majeur de l’économie sociale et solidaire (ESS). Ce concept désigne un ensemble d’entreprises regroupées sous forme de coopératives, associations ou fondations et dont le fonctionnement et les actions sont basés sur des principes de solidarité et d’utilité sociale.
Et le consommateur là-dedans ?
Des alternatives à la grande distribution
Même si les coopératives agricoles sont impliquées dans des circuits longs en travaillant avec la grande distribution, des grossistes ou des centrales d’achats, elles aspirent de plus en plus à réduire leurs intermédiaires. Leur but aujourd’hui est en effet de se rapprocher de leurs clients en s’orientant vers un processus de distribution plus court. Ces entreprises ne cessent jour après jour de se diversifier et de proposer diverses alternatives aux consommateurs : ventes directes à la ferme, supermarchés coopératifs, comptoirs locaux, sites de ventes, drives fermiers, etc. Tous ces nouveaux dispositifs allient modernité, créativité et innovation pour offrir de nouvelles solutions d’achats à une clientèle qui se tourne aujourd’hui plus que jamais vers une consommation responsable.
Les avantages à consommer coopératif
Les clients peuvent enfin se responsabiliser, participer activement à un nouveau modèle d’éco-consommation et donner du sens à leur action, en achetant des produits dont ils connaissent l’origine. Ils participent également à toute une économie, en soutenant les exploitants agricoles et leur vie dans les campagnes. De très nombreux produits de notre consommation quotidienne ne pourraient exister sans les coopératives agricoles, qui sont un moyen pour les agriculteurs de développer leur activité, d’exercer leur savoir-faire et de transmettre leur héritage aux futures générations. En plus de tout cela, ces organisations assurent le lien entre les producteurs et leurs consommateurs.
Profondément attachées à leurs régions, elles innovent en développant des systèmes de vente qui réduisent les intermédiaires et mettent en valeur leurs territoires. C’est le cas notamment de la vente directe à la ferme, qui permet aux clients de rencontrer directement les producteurs sur leurs exploitations, de pouvoir visiter les lieux et d’échanger avec eux.
Les enjeux des coopératives agroalimentaires pour l’avenir
L’émergence de nouveaux concepts pour le futur
Les enjeux alimentaires sont énormes, en particulier en période de crise. De tels collectifs permettent de ramener sur le devant de la scène le concept de souveraineté alimentaire. En d’autres termes, cette idée illustre la capacité d’un pays à maîtriser l’ensemble de sa chaîne agricole, du champ à l’assiette. Cela assurerait donc au pays une indépendance alimentaire et lui permettrait de subvenir à tous ses besoins en nourriture. Dans le même registre, nous pouvons évoquer la notion de sécurité alimentaire, un concept basé sur ces quatre éléments :
- la disponibilité de la nourriture (quantités suffisantes sur tout le territoire) ;
- l’accès aux aliments (ressources suffisantes pour acheter de quoi se nourrir correctement) ;
- la stabilité de l’accès à la nourriture (pouvoir se fournir facilement, concernant les prix, la disponibilité et la qualité) ;
- la qualité des produits (d’un point de vue sanitaire et nutritionnel).
Les défis d’une production et d’une consommation durables
Dans la même lignée, de nouveaux défis sont à relever visant à réduire les importations en produisant sur le sol français les marchandises provenant de l’étranger. Pour cela, il est nécessaire de compter sur une politique agricole allant dans ce sens et d’accélérer les pratiques écologiques correspondantes. Enfin, les coopératives se mobilisent pour répondre aux enjeux de l’agriculture et de l’alimentation de demain. Inscrites sur du long terme, le développement durable est l’un des piliers sur lesquels elles se construisent et grâce auquel elles se développent en matière d’innovation. Au quotidien, elles agissent déjà contre le gaspillage alimentaire, améliorent leur gestion des déchets, réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre et travaillent à adapter leurs modes de production pour répondre aux nouveaux objectifs fixés.
Ce que l’on peut retenir, c’est qu’une coopérative agricole est avant tout une aventure humaine, une histoire créée par des hommes pour d’autres hommes. Ce modèle alternatif met en avant des produits du terroir, emblèmes du patrimoine culturel français, un savoir-faire ancestral, des techniques de production innovantes et un amour de la matière première, en quête de rendre tout ceci accessible au grand public. Les personnes sont au centre de la coopération agricole, basée sur le principe fondamental de l’union faisant la force. Si les coopératives agricoles existent depuis 150 ans, leurs défis pour l’agriculture et le monde de demain ne font que commencer, pour tendre vers une production, une distribution et une consommation plus responsables.
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