Forêt amazonienne : est-ce toujours le poumon de la Terre ?

« Le poumon de la Terre est en feu. » « La forêt productrice de 20 % de l’oxygène de notre planète est menacée. » Tels sont les cris d’alarme qui retentissent régulièrement dans les médias. Lorsque l’on observe une carte de l’évolution de la forêt amazonienne, on éprouve une écoanxiété tout à fait justifiée : la plus grande forêt tropicale du monde a perdu 8 % de sa superficie en l’espace de 18 ans. À ce rythme-là, ce formidable écosystème est condamné ! La forêt amazonienne est-elle toujours le poumon de la Terre ? Accessoirement, qu’en est-il à proprement parler ?

La forêt amazonienne : pourquoi l’appelle-t-on le poumon de la Terre ?

C’est indéniable, cette incroyable jungle est la victime d’innombrables incendies, toujours plus fréquents depuis la fin du XXe siècle, et sa superficie ne fait que décroître. Dans ces conditions, la forêt amazonienne est-elle toujours le poumon de la Terre ? D’un point de vue scientifique, la réponse est surprenante : en fait, elle ne l’a jamais été. Avant d’étudier les menaces qui pèsent sur elle, faisons le point sur cette appellation.

En vérité, le poumon de la Terre n’est pas vert, il est bleu

On l’appelle « le poumon vert ». Elle produirait plus d’un cinquième de l’oxygène mondial. Cette croyance est si bien ancrée dans les esprits que même les hommes politiques et autres figures célèbres se trompent. Et pourtant, on ne peut parler de « poumon de la planète » pour désigner la forêt amazonienne.

En premier lieu, d’un point de vue sémantique, le terme « poumon » ne convient pas vraiment. En effet, un poumon inspire du dioxygène qu’il diffuse dans le sang, puis expire du dioxyde de carbone. Or, la forêt amazonienne, comme à peu près tout ensemble végétal en ce monde, fait tout l’inverse : elle inspire du CO2 et rejette de l’O2.

En second lieu, on pourrait penser que d’un point de vue métaphorique, la désignation est tout à fait appropriée, car la forêt amazonienne permet à une immense partie de la planète de respirer. Mais là encore, le terme ne convient toujours pas.

Les forêts tropicales exhalent 34 % de l’oxygène que nous respirons. En se basant sur la portion qu’occupe la forêt amazonienne sur ce total, son rôle semble effectivement primordial dans cette production. Mais c’est sans compter la présence des océans ! En intégrant ces derniers, la part de responsabilité de la forêt amazonienne dans l’émission d’oxygène mondiale se réduit à 6 %, selon Jonathan Foley, directeur de l’institut de l’environnement de l’université du Minnesota.

Ce chiffre semble plus réaliste que les 20 % souvent avancés lorsque l’on précise que les océans génèrent au moins 50 % du dioxygène à l’échelle planétaire. En fait, au lieu d’utiliser le terme de « poumon vert », il serait plus juste de parler de « poumon bleu ».

Pour autant, si l’expression « poumon de la Terre » est quelque peu erronée, les vastes forêts d’Amazonie n’en demeurent pas moins un bien précieux pour la planète. Explications.

Le vrai rôle de la forêt amazonienne

En lieu et place de « poumon vert », on pourrait en revanche qualifier la forêt amazonienne de « puits de carbone ». Les forêts tropicales aident à la lutte contre le réchauffement climatique en absorbant une quantité significative de gaz à effet de serre émis par l’activité humaine : environ 20 à 30 %. En sachant que la forêt amazonienne représente entre 70 et 80 % des forêts d’Amérique du Sud, son rôle est effectivement crucial comme rempart contre cette menace notoire qui pèse sur nous… Ou du moins, il l’était.

Hélas, les nouvelles études révèlent que désormais, la forêt amazonienne émet plus de carbone qu’elle n’en absorbe. Sa capacité d’absorption du CO2 lié à l’utilisation d’énergies fossiles est à présent limitée. En cause, l’activité humaine et les perturbations qu’elle entraîne sur cette vaste étendue de végétation : hausse des températures, sécheresse, perte de densité.

En plus du taux de dioxyde de carbone, la forêt amazonienne régule également l’humidité : cette immense jungle émet de la vapeur d’eau en continu. Son rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique est donc pluriel. C’est avant tout la déforestation en Amazonie qui modifie son visage et ses caractéristiques physiques et biologiques, engendrant une véritable catastrophe écologique.

La forêt amazonienne en proie à une déforestation massive

Nous savons donc que la forêt amazonienne agit sur le réchauffement climatique de différentes manières et que, si elle vient à disparaître dans les prochaines décennies, lourds seront les dommages au niveau environnemental. Mais quelles sont les causes exactes de son déclin ?

Une forêt sacrifiée au nom de l’agriculture intensive

En 2019-2020, plus de 11 000 km² de forêt amazonienne ont été défrichés en l’espace de douze mois. Ce chiffre correspond à 4 300 terrains de football par jour ou à la taille de l’Île-de-France. La raison de cette déforestation massive est essentiellement l’agriculture industrielle. Elle serait à 80 % responsable de la perte en superficie de cette forêt tropicale.

L’industrie de la viande est la principale motivation qui cause cette destruction effrénée. 8 milliards de dollars : c’est ce qu’a rapporté ce marché en 2020, sans conteste le plus juteux du Brésil. 2,2 millions de tonnes de viande sont exportées chaque année, ce qui représente 30 % des parts de marché au niveau mondial.

Entre l’élevage de poulets, de porcs et de bœufs, c’est l’élevage bovin qui est la première cause de déforestation en Amazonie : les pâturages nécessitent un tel espace qu’ils causent environ 79,5 % des brûlis forestiers. Viennent ensuite les fermes industrielles où sont logés le bétail (bovins, poulets, porcs) et les cultures pour le nourrir. Ces cultures sont essentiellement des plantations de soja, dont les protéines représentent des nutriments bon marché pour assurer l’alimentation des animaux d’élevage.

En outre, par souci de rendement toujours plus important, les cultures OGM sont prédominantes en Amérique du Sud. Le soja génétiquement modifié est conçu pour résister aux pesticides et aux engrais qui appauvrissent les sols… C’est ainsi que se poursuit un cercle vicieux infini. Par ailleurs, ce soja destiné à nourrir le bétail est utilisé au Brésil, mais aussi exporté dans le reste du monde, ce qui pose de sérieux problèmes de sécurité alimentaire.

Bien entendu, aux côtés de l’élevage, on trouve également des cultures de végétaux destinés à la consommation humaine. En tête, les fameuses cultures d’huile de palme, championnes en matière de non-durabilité, qui ravagent notamment l’habitat des orangs-outans.

Tout ce profit prévaut aux yeux du président brésilien et de son gouvernement, qui ne tiennent pas compte des enjeux environnementaux, des droits humains et du bien-être animal.

Des incendies de plus en plus incontrôlés

À l’origine, les peuples d’Amazonie vivent de la culture sur brûlis. Mais les parcelles de territoires brûlés sont de taille dérisoire en regard de ce que nécessite la déforestation liée à l’agriculture intensive. Les peuples indigènes changent régulièrement de terres destinées à la culture, laissant au fur et à mesure la nature reprendre ses droits sur les anciennes.

En 2020, ce sont 10 136 feux qui ont embrasé la forêt amazonienne rien que les 10 premiers jours du mois d’août. Si les feux d’origine humaine ont toujours existé en Amazonie, ils s’éteignent habituellement après avoir parcouru une certaine distance grâce à l’intervention naturelle des pluies. Seulement voilà, aujourd’hui, la fréquence des sécheresses augmente continuellement. La raison ? Le changement climatique… Alors, les feux de forêt amazoniens se propagent sur des zones de plus en plus étendues.

Du reste, les incendies détruisent des arbres de tous types, y compris de très grande taille, ce qui provoque l’ouverture des frondaisons, laissant les rayons du soleil atteindre le sol. Alors, l’humidité s’évapore et la végétation devient de plus en plus inflammable.

La végétation d’Amazonie met 10 ans à se reconstituer. De surcroît, il lui est de plus en plus difficile de renaître : les incendies laissent les zones brûlées sèches en raison du soleil qui les inonde après la dévastation des arbres. Les ONG et scientifiques tirent la sonnette d’alarme. Si l’on ne fait rien, d’ici un demi-siècle, la forêt amazonienne pourrait laisser place à une savane semi-aride. Effectivement, dans certaines de ces zones incendiées, on assiste à la poussée d’espèces typiques du Cerrado, la savane brésilienne.

La forêt amazonienne, un véritable trésor naturel

Si l’Amazonie ne joue pas un rôle majeur en tant que fournisseuse d’oxygène sur l’ensemble de notre globe, elle n’en reste pas moins d’une valeur inestimable à bien des égards. Elle renferme une flore, une faune et des cultures de peuples uniques au monde.

La faune de la forêt amazonienne

Si l’Amazonie ne joue pas un rôle majeur en tant que fournisseuse d’oxygène sur l’ensemble de notre globe, elle n’en reste pas moins d’une valeur inestimable à bien des égards. Elle renferme une flore, une faune et des cultures de peuples uniques au monde.

La faune
Avec une superficie de plus de 5,5 km², la plus grande forêt tropicale au monde s’étend sur 40 % du territoire brésilien et couvre une partie de 9 pays d’Amérique du Sud : le Brésil, la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, la Guyane française, le Pérou, le Suriname, le Venezuela. La part brésilienne en représente 60 %.

Traversée par l’Amazone, le plus grand fleuve terrestre, la forêt amazonienne est un fabuleux écosystème qui abrite au moins :

  • 40 000 espèces de plantes,
  • 16 000 essences d’arbres,
  • 3 000 espèces de poissons d’eau douce,
  • 1 500 oiseaux,
  • 370 reptiles,
  • 500 mammifères,
  • 2,5 millions d’insectes.

Des espèces de singes, de félins, d’oiseaux ou encore d’insectes endémiques y vivent. Parmi elles, on peut citer le colibri, le paresseux, le singe-araignée, le margay… et des milliers d’autres restent encore inconnues à ce jour. De plus, la forêt amazonienne constitue aussi un abri pour certains animaux menacés d’extinction comme le jaguar, le Saki satan (primate) ou le dauphin rose.

Les peuples de l’Amazonie

Outre la faune et la flore remarquables qui peuplent la luxuriante forêt amazonienne, nombreux sont les hommes et femmes qui l’habitent. On compte plus de 3 millions d’autochtones répartis en 420 tribus différentes. 86 langues et 650 dialectes sont parlés en Amazonie.

Certains de ces indigènes mènent un mode de vie préservé, dénué de toute trace d’industrialisation. Habitant le cœur de la jungle en parfaite harmonie avec la nature, ils refusent d’entrer en contact avec le monde extérieur. Ces tribus isolées sont les premières à être menacées d’extinction. En cause, l’agriculture occidentale qui détruit leur habitat. La construction de routes, la convoitise à l’égard de diverses ressources – comme l’or, le pétrole, le gaz et le bois – contribuent au recul de leurs terres, dont ces peuples dépendent pour survivre : chasse, cueillette, pêche, soins par les plantes… Ils accordent par ailleurs une importance spirituelle à la forêt.

Le plus grand peuple d’Amazonie est la tribu des Guaranis. Ils sont plus de 51 000, mais leur territoire ne cesse de reculer. Des réserves leur sont assignées par les gouvernements, dans lesquelles on assiste à un phénomène de surpopulation croissant. Leurs anciens habitats, pendant ce temps, ont été changés en fermes industrielles, pâturages pour bovins et plantations de soja OGM et de canne à sucre.

En l’absence d’action, tous ces peuples et leurs cultures sont amenés à disparaître ou à subir le même sort que les Amérindiens dans le nord du continent : finir en petit nombre, parqués dans des réserves ou mêlés à une population totalement éloignée de leurs origines. Actuellement, les habitants de la forêt amazonienne qui se battent pour protéger leur territoire le font parfois au prix de leur vie.

Il est temps d’agir pour préserver ce fabuleux trésor qu’est la forêt amazonienne. Tandis qu’elle abrite 10 % de la biodiversité mondiale, des milliers de personnes, des millions d’animaux et de plantes… son exploitation va crescendo depuis ces dernières années. Si elle n’a jamais vraiment été le poumon de la Terre, c’est – ou du moins c’était – une alliée importante pour la lutte contre le réchauffement climatique. Mobilisons-nous en soutenant les ONG et en refusant la consommation de produits issus de la déforestation amazonienne, comme l’huile de palme ou la viande industrielle !

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