Gestion des déchets ménagers : la Cour des comptes insatisfaite

Un rapport de la Cour des comptes a été rendu public en septembre 2022, pour faire un bilan de la prévention, la collecte et le traitement des déchets ménagers et assimilés (DMA). Si elle reconnaît aux entités et aux politiques publiques une réelle ambition, la juridiction financière de l’ordre administratif français admet de grosses lacunes dans son application et présente des mesures d’amélioration. Pour balayer l’ensemble de la problématique, le rapport se concentre sur 6 indicateurs clés que sont la prévention, le financement incitatif, la production, la collecte, la valorisation et l’élimination des déchets ménagers.

Un pilotage insuffisant freine la réduction des déchets ménagers

Pour parvenir à un taux de revalorisation satisfaisant des déchets ménagers, il serait nécessaire d’encadrer efficacement leur gestion. Or, c’est là que le bât blesse.

Les déchets produits restent trop élevés

583 kg/an, voici le volume de déchets ménagers par habitant en France, selon une étude datant de 2019. Avec une prévision à la baisse de 15 % pour 2030 par rapport à 2011 (590 kg/an), la France va devoir accélérer le processus pour atteindre les 501 kg/an visés. La part des ordures ménagères résiduelles (OMR ou déchets non triés, c’est-à-dire jetés en vrac dans les bacs) représente 249 kg/an par habitant, alors que 80 % pourraient être valorisés.

Malgré les nombreux dispositifs mis en place dans les communes, il reste bien des progrès à faire concernant le tri des déchet !

Une coordination insuffisante des différents acteurs

En fonction des directives européennes, le service public de gestion des déchets (SPGD) est confié aux établissements publics de coopération communale (EPCI) chargés de la collecte. Puis la partie traitement est déléguée au niveau intercommunal ou local. Problème : il n’existe pas de programmation nationale ni de plans régionaux assurant une continuité entre la prévention, la collecte et le traitement.

Un suivi à densifier et non satisfaisant

Déjà pointées en 2011 lors du précédent rapport, les données de prévention, de financement incitatif, de production, de collecte, de valorisation et d’élimination des déchets ménagers ne sont pas suffisamment recueillies. Sans indicateurs concrets sur ces 6 objectifs principaux de la gestion des déchets, il est impossible de créer une émulation réunissant les citoyens, les collectivités et les entreprises.

Un financement trop obscur et peu enclin à encourager la réduction des déchets ménagers

Les DMA représentent seulement 12 % des déchets produits en France et ils sont responsables de plus de 60 % des dépenses qui, au lieu de diminuer, ne cessent d’augmenter depuis 20 ans. Largement financée par la fiscalité (81,5 %), la gestion des déchets ménagers doit encore augmenter les filières à responsabilité élargie (REP), dispositifs particuliers mis en place pour certains produits du quotidien (jouets, lingettes, produits du bâtiment, du bricolage, du jardin, etc.).

La Cour des comptes estime que la tarification incitative (redevance d’enlèvement des ordures) ne concerne pas suffisamment d’habitants, alors qu’elle pourrait, selon elle, être efficace dans la réduction des tonnages collectés. En outre, le financement n’est pas suffisamment adapté aux différentes zones (rurales, touristiques, etc.).

Une gestion des ordures ménagères peu tournée vers l’économie circulaire

Il existe bien des moyens de limiter la production des déchets ménagers. Pourtant, la revalorisation sous diverses formes n’est pas vraiment ancrée dans les mœurs, et insuffisamment encouragée par les pouvoirs publics.

La prévention laissée au rebut

Montrée comme prioritaire, la prévention reste pourtant bien discrète. Les collectivités territoriales, comme les éco-organismes (chargés de la gestion des déchets des producteurs et des distributeurs) restent muets sur la réduction du volume, l’impact des emballages ou encore la capacité à réparer plus de produits commercialisés. Pour les collectivités territoriales, c’est seulement 1 % du budget total dédié à la prévention. Ces encouragements pour bien trier ses déchets montrent pourtant leur efficacité lorsqu’ils sont associés à la lutte contre le gaspillage alimentaire, la volonté de réparer les objets ou le réemploi dans les services de gestion des déchets ménagers.

Une collecte peu regardante sur les enjeux prioritaires liés aux détritus

La France est un assemblage de territoires très différents, dont les spécificités ne sont pas prises en compte dans la gestion des déchets. Selon les particularités locales (densité de population, type d’habitat, etc.), il faut adapter la fréquence des collectes et trouver un coût acceptable pour l’ensemble des acteurs et des habitants. Les biodéchets (1/3 des ordures ménagères résiduelles ou OMR) doivent être collectés à part, par exemple dans des bacs à compostage partagé. C’est d’ailleurs ce que prévoit le Code de l’environnement à partir de fin 2023.

trois bacs à compost : un bon moyen de revaloriser les déchets ménagers
Le compost fait partie des meilleurs moyens de revalorisation des déchets

Un traitement des ordures à moderniser dans son ensemble

La phase de traitement représente 40 % du budget et le coût devrait encore augmenter avec la nécessité de moderniser et de mettre aux normes. Pour harmoniser et coordonner tous les aspects de la gestion des déchets, la Cour des comptes demande aux régions de jouer pleinement leur rôle de planificateurs, d’animateurs, voire de financeurs.

Mobiliser tous les leviers au niveau local et national

La Cour des comptes estime que tous les maillons de la chaîne de la gestion des déchets doivent se mobiliser pour répondre à l’augmentation continue des flux collectés en déchetteries. Pour cela, il faut mieux adapter les équipements de tri et les installations de valorisation des matières organiques. De gros efforts sont à poursuivre dans le traitement des plastiques. Des financements importants y sont d’ailleurs partiellement alloués, dont le plan France 2030. Depuis 2020, l’enfouissement et l’incinération des déchets ménagers ayant fait l’objet d’une collecte séparée sont interdits.

Globalement, l’accent doit être mis sur la prévention et les modes de valorisation prioritaires pour aboutir à une réduction drastique des ordures ménagères résiduelles. Enfin, la valorisation énergétique des déchets est présentée comme l’alternative la plus intéressante à l’enfouissement, pouvant fournir à un prix attractif une énergie de substitution à moyen ou long terme.

Les recommandations de la Cour des comptes dans l’amélioration de la gestion des déchets

Rendre publiques les actions mises en place et les résultats obtenus

La Cour des comptes demande aux différents acteurs d’unifier leurs documents d’ici 2024, de présenter un programme clair lorsque la gestion se fait de façon locale et de publier un tableau de bord annuel comprenant les 6 indicateurs clés (prévention, financement incitatif, production, collecte, valorisation et élimination). Ils devront aussi rendre compte des efforts fournis par les filières de responsabilité établies, et harmoniser, dans un seul compte-rendu, un bilan annuel par intercommunalité, toujours autour des 6 indicateurs clés.

Mettre l’économie circulaire au centre du processus

Ce rapport conclut sur l’importance de réformer la tarification incitative et d’alléger son coût pour les collectivités, d’ajouter une surtaxe à la taxe de séjour, de lister toutes les actions de prévention et d’autoriser, dans certains cas bien précis, la vente de produits issus du tri.

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