L’hydrogène bleu, une fausse bonne idée ?

À l’heure de la crise écologique due à la pollution des eaux, des sols, de l’air… mais surtout au réchauffement climatique, nombreuses sont les solutions proposées pour mettre fin aux émissions carbone. Parmi celles-ci, l’hydrogène est à l’essai depuis la fin du 19e siècle. Il présente comme avantage essentiel de ne rejeter que de l’eau lors de sa combustion. Cependant, il a été mis sur le banc des accusés : son extraction entraîne un rejet de gaz à effet de serre qui annule ses effets positifs. Alors, la science tente de mettre au point une alternative écologique : l’hydrogène bleu.
Mais cette solution est-elle vraiment bonne pour la planète ?
Avant de parler hydrogène bleu, qu’est-ce que l’hydrogène ?
L’hydrogène est l’élément chimique le plus léger de l’univers. Il est composé d’un noyau qui renferme un seul proton et d’un unique atome gravitant autour. Utilisé comme carburant, l’hydrogène n’est pas une énergie à proprement parler, mais un vecteur d’énergie, comme c’est le cas de l’électricité. Il lui faut donc une source primaire pour fonctionner. Les véhicules aujourd’hui alimentés par l’hydrogène le sont via une pile à combustible.
Ce qui attire les regards vers ce gaz comme alternative écologique potentielle, c’est sa grande disponibilité. En effet, c’est l’élément chimique le plus répandu de l’univers ! On en trouve notamment dans l’atmosphère des planètes gazeuses géantes, dans le noyau des étoiles, mais aussi sur Terre. L’eau est composée d’un atome d’oxygène et de deux atomes d’hydrogène (H2O). On en trouve également un peu dans l’air et, en quantités plus significatives, dans les énergies fossiles.
L’hydrogène est rarement présent seul, on le trouve généralement sous forme de matières plus complexes : un atome d’hydrogène relié à d’autres. C’est pourquoi il est nécessaire de le désolidariser pour pouvoir l’utiliser. Mais les procédés de désolidarisation actuels les plus courants ont été pointés du doigt en raison des importantes émissions carbone qu’ils engendrent. Ainsi est née l’idée de l’hydrogène bleu comme alternative. Mais s’agit-il d’une solution viable d’un point de vue écologique ?
Hydrogène bleu, vert et gris : comment s’y retrouver ?
L’hydrogène revêt différentes couleurs dont on entend régulièrement parler. En somme, à quoi correspondent-elles ? Petite clarification.
L’hydrogène gris
Il s’agit de la méthode d’extraction de l’hydrogène la plus répandue actuellement. Puisque l’hydrogène est présent en quantités intéressantes dans le pétrole, le charbon ou encore le gaz naturel, c’est généralement de là qu’on le dégage. Du reste, c’est la solution la moins coûteuse à ce jour : en produire 1 kilogramme coûte entre 1,5 et 2,5 euros. 95 % de l’hydrogène sont donc produits ainsi.
Le plus couramment, c’est la méthode du reformage du gaz qui est utilisée. Celle-ci consiste à diffuser de la vapeur d’eau sur du gaz naturel, chauffée par un catalyseur au nickel. L’hydrogène étant le gaz le plus léger connu, il s’évapore le premier et on le récupère ainsi.
Cependant, durant ce processus, du méthane (CH₄) et du monoxyde de carbone se dégagent également. C’est ainsi que l’avantage qu’a l’hydrogène de ne rejeter que de l’eau lors de sa combustion se voit finalement annulé.
L’hydrogène vert
L’hydrogène vert est nommé ainsi car il s’obtient à partir de l’eau et non d’énergies fossiles. On l’extrait par réaction électrique en provoquant une électrolyse de l’eau. Cette solution pour produire de l’hydrogène est à l’heure qu’il est la plus écologique, si tant est que les électrolyseurs fonctionnent à l’aide d’énergies propres et renouvelables uniquement : éoliennes, panneaux photovoltaïques, biogaz…
Toutefois, ce mode de production est aujourd’hui encore peu rentable. Le gouvernement français a alloué un budget de plus de 7 milliards d’euros en 2020 afin de permettre à la recherche de trouver des solutions d’extraction par électrolyse de l’eau moins onéreuses.
L’hydrogène bleu
L’hydrogène gris entraîne un dégagement important de gaz à effet de serre. D’après l’ADEME (Agence de la transition écologique), produire 1 kilogramme d’hydrogène émet 12 kg de dioxyde de carbone environ avec la technique du reformage du gaz. Afin de contrer le problème, le principe de l’hydrogène bleu consiste tout simplement à récupérer les GES ainsi libérés !
L’hydrogène bleu est-il si vert ?
En ce qui concerne l’hydrogène, l’enjeu est donc de le « décarboner » afin d’en faire une énergie propre. C’est le défi que se sont lancé les inventeurs de l’hydrogène bleu. Les gaz à effet de serre sont de nouveau capturés lors du processus de séparation de l’hydrogène et du gaz naturel, puis stockés.
Une étude sans appel sur l’hydrogène bleu
Dans un effort conjoint, deux chercheurs des universités de Cornell, New York et de Stanford, Californie, se sont penchés sur la question en août 2021. La conclusion de Robert Howarth et Mark Jacobson est la suivante : cette solution de l’hydrogène bleu ne peut aller dans un sens écologique que si les GES sont bel et bien stockés et conservés sans aucune fuite dans l’atmosphère… Quid des déchets nucléaires ? Il est difficilement envisageable d’entreposer à l’infini des bonbonnes de gaz qui occuperaient de plus en plus d’espace et qui, de surcroît, représenteraient un danger potentiel en raison de leur explosivité.
L’étude menée par les deux chercheurs révèle qu’en définitive, la production d’hydrogène bleu dégage globalement à peine moins de gaz à effet de serre que celle d’hydrogène gris et plus que le gaz naturel, le diesel et le charbon. Si le but était simplement de réduire les émissions de CO2, alors celui-ci est effectivement atteint : la production d’hydrogène bleu en génère moins que celle d’hydrogène gris et que les 3 hydrocarbures précités (énergies fossiles).
Moins de CO2… mais plus de méthane !
Mais il s’agit alors de poudre aux yeux. En effet, si l’extraction d’hydrogène bleu génère moins de dioxyde de carbone que les autres carburants, en revanche, elle génère bien plus de méthane ! Le graphique dressé par Howarth et Jacobson et situé en page 8 de l’étude de l’impact écologique de l’hydrogène bleu est édifiant (le dossier est disponible sur demande sur le site Researchgate). Ce phénomène est dû à un besoin accru de gaz naturel pour capter le dioxyde de carbone afin de l’empêcher de se libérer dans l’atmosphère.
Or, l’impact du méthane sur le réchauffement climatique serait 28 fois plus important que celui du CO2, d’après une étude menée par le réseau de scientifiques FuturEarth en juillet 2020. Si les émissions de méthane sur Terre sont actuellement largement inférieures à celles de dioxyde de carbone, elles sont potentiellement plus dangereuses.
En définitive, rien ne semble indiquer que le l’hydrogène bleu constitue une solution écologique viable. L’hydrogène vert semble une méthode un peu plus prometteuse, si tant est que l’on parvienne à le rentabiliser sans engendrer un déploiement d’énergies faramineuses, même propres.
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