L’hydrogène est-il vraiment écologique ?

Présenté comme une énergie propre, voire une énergie du futur, l’hydrogène constitue aux yeux de certaines personnes un espoir dans la lutte contre le réchauffement climatique. On lui prête un rôle potentiellement salvateur, pour le secteur du transport routier notamment. Mais avec les implications de son procédé de fabrication, l’hydrogène est-il vraiment écologique ? Petit décryptage de cette énergie hautement disponible, mais à l‘usage complexe.

Qu’est-ce que l’hydrogène ?

L’hydrogène est l’élément le plus petit connu à ce jour. En effet, son atome est composé d’un noyau muni d’un seul proton avec un seul électron qui gravite autour ! C’est pourquoi il occupe la toute première place dans le tableau périodique des éléments, le fameux tableau de Mendeleïev. Il s’agit d’un gaz extrêmement inflammable qui nécessite des précautions sans faille lors de son utilisation. Toutefois, on parle de combustible vert, car l’hydrogène ne rejette pas de CO2 lors de sa combustion. En fait, il ne rejette que… de l’eau !

L’hydrogène est un gaz présent en immense quantité dans l’univers. En fait, c’est même l’élément LE plus présent dans la grande immensité, en particulier au cœur des étoiles et dans l’atmosphère des planètes gazeuses géantes. C’est du fait de cette grande disponibilité qu’il est aujourd’hui vu comme une mine de carburant. En outre, on mise sur son utilisation en tant qu’énergie propre du fait qu’il ne rejette pas de CO2 (mais de l’eau seulement). En théorie, tout cela fait rêver… Mais à y regarder de plus près, l’hydrogène est-il vraiment écologique ?

L’hydrogène est-il vraiment écologique ? Énergie grise pour énergie verte…

Malgré ce tableau étonnamment réjouissant, l’utilisation de l’hydrogène comme énergie n’est pas si simple. Son emploi nécessite celui d’autres énergies moins propres, et ce pour plusieurs raisons.

L’hydrogène : un processus d’obtention complexe

Tout d’abord, il ne s’agit pas d’une énergie à proprement parler, mais d’un conducteur d’énergie, un peu à l’instar de l’électricité. L’hydrogène nécessite alors une source d’énergie primaire de laquelle il sera ensuite vecteur… Cela peut être du pétrole ou même de l’uranium.

Ensuite, en tant que gaz très peu dense, l’hydrogène a besoin d’être condensé ou liquéfié pour pouvoir être transporté, ce qui demande encore une fois d’avoir recours à une quantité massive d’autres énergies. L’une des techniques les plus utilisées actuellement est la liquéfaction à température extrêmement basse, à savoir -253 °C.

Des énergies fossiles et des émissions de carbone

De plus, l’hydrogène se trouve rarement seul sur Terre. Il est généralement combiné à d’autres éléments. Cela peut être, par exemple, un autre atome d’hydrogène. Il s’agit alors de dihydrogène. Sur notre planète bleue, on le trouve sous cette forme dans l’air. L’hydrogène est également présent dans l’eau, où deux de ses atomes sont combinés avec un atome d’oxygène. C’est ainsi que l’on obtient le fameux symbole H2O. Enfin, l’hydrogène se trouve également dans les énergies fossiles, où il est combiné avec des atomes de carbone.

À l’heure actuelle, les procédés d’extraction de l’hydrogène les plus répandus sont effectués à partir d’énergies fossiles. Entre autres, le reformage du gaz naturel ou la gazéification du charbon de bois sont couramment utilisés (dans près de 95 % des cas). Ces procédés sont émetteurs de dioxyde de carbone, et donc loin d’être propres.

Le reformage du gaz naturel consiste à surchauffer de la vapeur d’eau afin de détacher les atomes du gaz, qui se séparent en dihydrogène et en dioxyde de carbone. C’est ainsi que cette technique implique inévitablement des émissions de CO2.

Dans le cas de la gazéification, on brûle du charbon de bois dans un réacteur, ce qui permet de libérer du dihydrogène… mais aussi du monoxyde de carbone, gaz toxique notoire. On obtient également de l’hydrogène de façon similaire à partir du pétrole.

Alors, une production d’hydrogène écologique est-elle possible ?

Aujourd’hui, l’hydrogène qui fait circuler les quelques bus et voitures dans les grandes villes est obtenu à partir de gaz naturel ou de charbon de bois. Comme nous l’avons vu, la séparation de l’hydrogène de ces matières cause des émissions carbonées dans l’atmosphère. Néanmoins, il existe effectivement un procédé plus propre pour produire de l’hydrogène : l’électrolyse de l’eau. Grâce à l’électricité, on désolidarise le dioxygène et l’hydrogène, qui en ressort pur. Cette méthode est facile, mais en revanche très onéreuse.

La France et l’Europe misent sur l’hydrogène comme alternative aux énergies fossiles

L’Union européenne a présenté en juillet 2020 une « stratégie de l’hydrogène pour une Europe climatiquement neutre ». L’objectif est de lancer sur les routes 100 000 camions à l’hydrogène décarboné d’ici 2030. Dans la même idée, le gouvernement français a lancé son propre plan hydrogène visant à développer une production d’hydrogène « vert ».

Un tel pari est-il réalisable ? L’astuce consiste à produire le précieux gaz à partir de techniques d’électrolyse de l’eau. Avec le budget de plus de 7 milliards d’euros alloué rien qu’entre 2020 et 2022, on espère donner les moyens à la recherche de rentabiliser et de démocratiser l’hydrogène comme carburant. Pour obtenir de l’hydrogène « décarboné », qui n’implique donc pas d’émissions de carbone lors de son extraction, on combinerait une multitude d’énergies propres comme les panneaux solaires ou les éoliennes avec… des réacteurs nucléaires.

Un coût énergétique faramineux

D’après Daniel Hissel, chercheur au CNRS, produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau pour remplacer les énergies fossiles impliquerait une augmentation globale de la production d’énergie. Le scientifique défend néanmoins cette énergie, et plus précisément le procédé d’alimentation les véhicules via une pile à combustible fonctionnant à l’hydrogène obtenue par électrolyse. Mais quels seraient les coûts de fabrication des électrolyseurs nécessaires à une production massive l’hydrogène ?

Selon les estimations de l’Atelier d’écologie politique de Toulouse, les quantités d’équipements seraient impressionnantes. Pour faire rouler les 100 000 camions à hydrogène souhaités par l’Union européenne d’ici 2030, 427 réacteurs nucléaires ou 139 000 km² d’éoliennes ou encore 27 300 km² de panneaux photovoltaïques seraient nécessaires.

Toutefois, en termes de rendement, le CEA travaille actuellement sur de nouvelles méthodes visant à augmenter la rentabilité de l’hydrogène produit par électrolyse. Une équipe est en train de mettre au point une technique permettant d’abaisser le prix du kilo d’hydrogène à moins de 2 €, nous assure Julie Mougin, cheffe du service composants et système Hydrogène au CEA-Liten.

Dans la ville de Laage, en Allemagne, une centrale de production d’hydrogène par électrolyse au moyen d’énergies renouvelables est déjà en cours d’implantation. C’est la plus grande d’Europe, elle pourrait produire jusqu’à 300 tonnes d’hydrogène par an.

L’hydrogène est-il dangereux ?

Reste toutefois à savoir si l’hydrogène représente une solution fiable en termes de sécurité. En sus de la question écologique, une autre se pose à la suite d’un accident survenu dans le cadre de l’utilisation de ce vecteur d’énergie. Une explosion est survenue à la station d’hydrogène de Kjørbo en Norvège en 2019…

Cependant, tempère le chercheur du CNRS Daniel Hissel, ce gaz n’est pas plus dangereux que les énergies fossiles actuellement utilisées comme carburants. Ces dernières sont elles aussi des combustibles. L’hydrogène est simplement à manier avec précaution, au même titre qu’un réservoir à essence ou qu’une bouteille de gaz.

Du reste, l’hydrogène étant un gaz particulièrement léger, il s’échappe vers le haut et ne s’accumulerait donc pas sous la voiture en cas de fuite. Cependant, son poids réduit le rend susceptible d’entraîner une forte déflagration. Mais les retours n’auraient pour l’instant rapporté aucun accident majeur, rapporte Daniel Hissel.

En définitive, peut-on considérer que l’hydrogène constitue une solution vraiment écologique ? On peut en douter au vu des besoins énergétiques qu’implique la production d’hydrogène, même vert. Car, outre les émissions de carbone toujours existantes en ayant recours aux énergies propres pour dégager de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, viendrait s’ajouter la destruction des espaces nécessaire à la construction de centrales. Toutefois, si la recherche parvenait à mettre au point des procédés moins gourmands pour extraire ce gaz par électrolyse, alors peut-être pourrait-on compter l’hydrogène parmi les solutions de lutte contre la crise écologique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *