Le jour du dépassement : un calcul sous-estimé ?

Au milieu de l’été, survient ce que l’on nomme le jour du dépassement. Aux alentours du 29 juillet, l’humanité a utilisé plus de ressources que la Terre peut renouveler en un an. Nous avons également émis plus de carbone qu’elle ne peut en absorber. Certains experts estiment cependant que notre dette envers la planète surviendrait plus tôt encore dans l’année.

On l’appelle le jour du dépassement. Cette date, établie au 29 décembre en 1970, s’est avancée au 29 juillet en 2019 en raison de nos excès toujours croissants, selon le Global Footprint Network. Cet institut de recherches international basé en Californie évalue chaque année cette date. Au cours de ces dernières années, on a d’abord désigné différents jours, le 13 août, puis le 1er… En 2021, c’est le 29 juillet qui a officiellement marqué le jour du dépassement. Cependant, il se pourrait que certains paramètres soient insuffisamment pris en compte, et qu’ainsi, cette date se situe en fait plus tôt encore dans l’année.

Comment le jour du dépassement est-il évalué ?

Pour calculer cette date, le Global Footprint Network se base sur l’empreinte écologique liée à la production de nourriture, le déplacements, le logement et la compensation de la production de déchets. Les émissions de CO2 sont incluses dans ces calculs. Elle prend également en compte la biocapacité d’un espace donné, c’est à dire la surface utilisée pour produire des ressources alimentaires et services.

Ainsi, le résultat est exprimé en hectares globaux pour chaque pays. Les paramètres incluent les terrains cultivées ou forêts défrichées et la consommation d’énergies. Le Global Footprint Network a estimé que la biocapacité terrestre s’élevait à 12,2 milliards d’hectares par an alors que l’humanité en utilise 20 milliards. Le jour du dépassement étant estimé au 29 juillet, les humains consomment donc en 7 mois les ressources renouvelables de la planète et vivent à crédit pour le reste de l’année. On estime qu’il faudrait 1,7 Terre pour subvenir à nos besoins de plus en plus gourmands. Cet avancement du jour du dépassement cette année serait du notamment à un pic de la déforestation amazonienne et à une augmentation des émissions carbone de 6,6 % selon le WWF.

Le jour du dépassement pourrait être plus précoce qu’on ne le pense

Mais certains experts déplorent le fait que ces calculs se basent sur des données insuffisantes. Laetita Mailhes elle-même, directrice à global Footprint Network, nous informait récemment sur France 24 que l’institut était limité par la quantité de sources fiables disponibles. 15000 données sont toutefois prises en compte pour chaque pays.

Cependant, certains aspects importants manquent à l’appel. On reproche notamment l’absence de facteurs comme l’exploitation des ressources minérales, l’érosion de la biodiversité ou encore la pollution des eaux et des sols dans l’équation. La production de déchets plastiques représente, elle aussi, un élément crucial qui est pourtant omis.

En outre, les indicateurs sont exprimés en hectares, alors que le rendement et la biocapacité varient d’un pays à l’autre. Si les Macédoniens et les Brésiliens ont la même empreinte écologique, le Brésil jouit d’une meilleure biocapacité en raison de la forêt amazonienne. Ce sera du moins le cas tant que celle-ci ne sera pas devenue une zone aride avec la déforestation massive… Le rendement d’un terrain est également différent suivant le pays. Par exemple, une forêt scandinave n’est pas comparable à une forêt tropicale.

D’autres paramètres demeurent néanmoins tout à fait pertinents. Le nombre d’arbres coupés pour produire du bois ou la quantité de céréales engrangée chaque année sur une surface donnée sont sans équivoque. Les émissions de dioxyde de carbone que la nature ne parvient pas à absorber sont elles aussi sans appel. Certains analystes pensent d’ailleurs que seul ce dernier indicateur devrait être utilisé pour déterminer le jour du dépassement. En France, la dette carbone représentait 60 % de l’empreinte écologique totale. Quoi qu’il en soit, on sait que si la date du jour du dépassement est peut-être erronée, elle n’est en tout cas pas exagérée. Au contraire, elle serait plutôt sous-estimée.

Les 9 limites planétaires

Afin d’obtenir un résultat plus proche de la réalité, les autres données qu’il serait intéressant d’inclure dans le cadre de l’évaluation du jour du dépassement sont les 9 limites planétaires. Officiellement établie en 2009, cette théorie nous vient de 26 chercheurs internationaux dont Johan Rockström et Will Stefen du Stockholm Resilience Center. Ces limites sont :

  • le changement climatique ;
  • les pertes de la biodiversité ;
  • les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore (surcharge) ;
  • l’acidification des océans ;
  • l’occupation des sols ;
  • l’utilisation de l’eau potable ;
  • la déplétion de la couche d’ozone ;
  • les aérosols atmosphériques (fines particules présentes dans l’atmosphère) ;
  • la pollution chimique (et l’entrée de nouvelles entités dans la biosphère).

Tous ces éléments sont intimement liés. À titre d’exemple, la déforestation entraîne le déséquilibre des écosystèmes, augmente la fréquence des incendies, qui contribue aux émissions de CO2 et au dérèglement climatique, qui accentue les pertes de la biodiversité…

Bien entendu, tous les pays ne sont pas égaux en termes de dépassement de ces limites. 4 d’entre elles ont en tout cas déjà été franchies à l’échelle mondiale : le changement climatique, les pertes de la biodiversité, les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore et la perte de l’intégrité de la biosphère (pollution des sols). Le rapport de l’Université de Leeds a d’ailleurs constaté l’ampleur des dégâts. En France, ce sont 6 de ces limites qui ont été dépassées. En plus des 4 citées au niveau planétaire, la France cumule également l’occupation des sols et la surutilisation de l’eau potable (eau douce).

Si la fiabilité du calcul du jour du dépassement est contestée, on peut néanmoins affirmer une chose : cette date arrive de plus en plus tôt chaque année. Si l’on ne fait rien, la Terre se retrouvera épuisée dans les prochaines décennies. Pourtant, quelques petites actions permettraient de limiter la dette annuelle. Réduire le gaspillage alimentaire nous ferait gagner 38 jours avant l’arrivée du jour du dépassement. Diviser par deux le nombre de voitures ferait reculer la date de 12 jours. Faire moins d’enfants nous donnerait encore 30 jours supplémentaires de sursis. En somme, c’est sur plusieurs fronts qu’il nous faudra agir pour espérer conserver une planète saine et habitable.

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