Les risques de l’agriculture intensive : comment les éviter ?

Prendre en compte les besoins alimentaires mondiaux tout en limitant l’impact sur l’environnement et la nature : tel est l’enjeu de l’agriculture aujourd’hui. Or, si l’agriculture productiviste permet de répondre aux besoins de rentabilité, afin de fournir la nourriture nécessaire à l’ensemble de la population, elle induit également de nombreuses conséquences écologiques.

Quels sont les risques de l’agriculture intensive ? Comment les éviter ? Réponse en 4 points.

1. Agriculture intensive ou extensive : quelle est la différence ?

Vous avez très certainement déjà entendu le terme « agriculture intensive » à de nombreuses reprises… Mais qu’en est-il de l’agriculture extensive ? Savez-vous quelle est la différence par rapport à la culture productiviste ?

Agriculture extensive

Pour faire simple, l’agriculture extensive est un mode de production agricole traditionnel. Elle utilise peu d’intrants, est peu mécanisée et les rendements restent relativement faibles face à une quantité de travail parfois élevée. Dans de nombreux secteurs géographiques, il s’agit d’une agriculture vivrière, c’est-à-dire qu’elle est destinée à une autoconsommation par la population locale.

Bien évidemment, selon la région du globe où l’on se trouve, ainsi que l’époque, les pratiques agricoles extensives ne sont pas les mêmes. Ainsi, dans les pays industrialisés, elle prend aujourd’hui une forme moderne : principalement utilisée dans le but de protéger l’environnement et la biodiversité, elle y est davantage mécanisée et présente des rendements plus élevés.

Mais alors, pourquoi nous sommes-nous tournés vers l’agriculture intensive ?

Agriculture intensive

Après la Seconde Guerre mondiale, les pays industrialisés européens ont un but commun : retrouver une autosuffisance alimentaire. Plus question de connaître les privations de la guerre ! Aussi, pour se nourrir sans dépendre d’autres pays, l’Europe mise sur un système de production agricole intensive. Engrais, pesticides, machines, voire même OGM… Tout est bon pour maximiser les rendements et assurer une alimentation variée à tout le monde. Les prix deviennent de plus en plus avantageux et même les plus pauvres peuvent désormais s’offrir des produits jusque-là réservés aux plus riches, tels que la viande ou le poisson.

Aujourd’hui, nous avons conservé ce mode d’agriculture productiviste. Raison pour laquelle la main-d’œuvre agricole a fortement diminué, tandis que le nombre de tracteurs et de moissonneuses-batteuses a largement évolué (sans compter la taille des engins). Qui a un paysan dans son entourage sait d’ailleurs à quel point ces machines sont la fierté des producteurs ! Et pour cause : elles permettent non seulement de semer, d’arroser les champs d’engrais chimiques, d’insecticides, d’herbicides, de fongicides, mais aussi de faucher et de moissonner. Ainsi, l’épandage, le fauchage et le moissonnage sont facilités.

Bref, tout le monde semble gagnant : les productions augmentent tandis que le travail diminue, et les plantes sont protégées des insectes et maladies indésirables. Oui, mais… est-ce vraiment le cas ?

2. Quels sont les risques de l’agriculture productiviste ?

Contrairement au système agraire traditionnel, l’agriculture intensive a malheureusement de nombreuses conséquences sur notre environnement.

Risque n° 1 : la déforestation

L’agriculture productiviste nécessite des surfaces importantes de terres arables. Pour les obtenir, le défrichement de zones forestières est une solution souvent considérée. Vous connaissez sûrement les problèmes de déforestation en Amazonie ? Les terres ainsi obtenues contribuent notamment à nourrir le bétail européen, qui produit notre lait et notre viande. Or, la déforestation conduit à l’érosion des sols et à une perte en biodiversité importante… Mais aussi à d’autres conséquences : destruction de puits de carbone, augmentation des risques d’incendies, etc.

Risque n° 2 : la pollution des sols et la désertification

Lorsqu’on a commencé à les utiliser, les produits phytosanitaires semblaient être des solutions véritablement adaptées aux problématiques que rencontraient les agriculteurs, éleveurs et maraîchers. Aujourd’hui, nous savons qu’il n’en est rien : ces produits dégradent en effet la vie dans les sols, les rendant moins fertiles.

Ainsi, dorénavant, un tiers des terres agricoles mondiales sont dégradées. Les conséquences ?

Une intensification du changement climatique et un risque de chute des rendements des cultures : jusqu’à 50 % d’ici 2050 d’après l’ONU ! Bien évidemment, cela risque également de conduire à une augmentation des prix.

Risque n° 3 : la pollution des eaux

Mais ce n’est pas tout ! Car, si les engrais chimiques et pesticides dégradent les sols, il en est de même pour les eaux. Océans, rivières, lacs… aucun plan d’eau n’est épargné. Même les nappes phréatiques sont polluées par les produits phytosanitaires. En effet, ces derniers conduisent à une surconcentration de certains éléments chimiques, tels que l’azote, le nitrate ou le phosphore. Or, il s’agit d’excellents nutriments pour les algues, dont la croissance est alors multipliée. Cependant, ces dernières ont besoin de beaucoup d’oxygène.

En se développant si vite, les algues rendent alors cet oxygène peu disponible pour les autres espèces vivantes : c’est l’eutrophisation des milieux aquatiques ou appauvrissement des écosystèmes aquatiques. D’ailleurs, peut-être avez-vous déjà entendu parler du problème des algues vertes en Bretagne ? Il s’agit d’un excellent exemple de ce phénomène.

Risque n° 4 : l’impact sur la biodiversité

La déforestation, la pollution des terres et des eaux dues à l’agriculture ont bien évidemment un impact sur la biodiversité… Mais il existe également d’autres causes plus directes à la perte en biodiversité actuelle.

En effet, l’utilisation intensive de produits agrochimiques met en péril des centaines d’espèces d’insectes et de plantes. Papillons, abeilles, coccinelles : même ceux qui ne sont pas considérés comme des nuisibles subissent les conséquences des pesticides.

Or, tout est lié : qui dit moins d’insectes pollinisateurs dit moins de pollinisation et, in fine, des plantes qui produiront moins de fruits. Ceci a alors des conséquences sur la sécurité alimentaire de nombreuses espèces vivantes… dont les humains.

Risques pour la santé

Par ailleurs, la consommation des pesticides présents dans nos fruits et légumes a des conséquences sur notre santé. En effet, plusieurs produits phytosanitaires sont des perturbateurs endocriniens, cancérogènes, etc. Bien sûr, les réglementations qui entourent ce mode agricole productiviste ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre. Aux États-Unis, une parcelle agricole en 2017 avait une superficie moyenne d’environ 180 hectares, contre 63 hectares en France en 2016.

Ainsi, les échelles ne sont pas les mêmes et l’impact sur l’environnement comme la santé non plus. Malgré tout, il est bon de trouver des alternatives.

3. Existe-t-il des alternatives à l’agriculture intensive ?

Heureusement, tout n’est pas que fatalité ! Des solutions existent : le problème majeur réside dans leur mise en place à l’échelle mondiale.

Agriculture raisonnée

Vous cherchez un producteur dont les produits sont labellisés « agriculture biologique », mais n’en trouvez pas ?

Peut-être que ceux qui sont autour de vous préfèrent-ils la voie de l’agriculture raisonnée ? Il s’agit d’un système de production où la quantité d’intrants est maîtrisée. Le but ? Limiter l’impact des engrais et pesticides sur l’environnement.

Ainsi, si ces produits phytosanitaires ne sont pas totalement supprimés, ils sont utilisés en moins grande quantité et seulement dans les cas où cela s’avère nécessaire. Les viticultures et les cultures céréalières, en particulier, sont réputées pour être très sensibles aux maladies : c’est pourquoi certaines personnes préfèrent miser sur l’agriculture raisonnée.

Néanmoins, quelques questions peuvent se poser : comment définir ce qui est « raisonné » de ce qui ne l’est pas ? Quelle est la bonne dose à appliquer à tel et tel endroit ?

Ainsi, l’utilisation de technologies numériques est souvent nécessaire pour aider à la prise de décision. Or, ces technologies ne sont pas toujours bien maîtrisées par tout le monde.

Agroécologie

L’agroécologie est une science à part entière qui a pour objectif de :

  • augmenter les rendements des cultures,
  • limiter les pressions sur l’environnement,
  • préserver les ressources naturelles.

Il s’agit d’une approche systémique : plutôt que de ne considérer qu’une parcelle de champs ou de pré, elle prend en compte l’ensemble de l’exploitation agricole.

Diversification et rotation des cultures, prise en compte du climat local et de la nature du sol : voici quelques exemples des principes agroécologiques.

Agriculture biologique

Presque zéro intrant et emploi de pratiques agricoles traditionnelles comme la mise en jachère : tels sont les principes de l’agriculture bio. Sa définition dépend néanmoins des cahiers des charges des labels biologiques.

Ainsi, le label AB :

  • accepte l’utilisation de moins de 5 % d’ingrédients non certifiés bios,
  • accepte un taux de contamination par des OGM inférieur à 0,9 %.

Le label Bio Cohérence, au contraire :

  • n’accepte aucun ingrédient non certifié bio,
  • ne tolère aucune contamination par des OGM.

Dans tous les cas, cette agriculture durable a pour objectif de limiter les conséquences à la fois écologiques et sanitaires des procédés agricoles modernes. Pour cela, plusieurs méthodes sont employées, comme :

  • la rotation des cultures,
  • le compagnonnage,
  • l’utilisation de produits dits naturels.

Malgré tout, le bio nécessite bien souvent davantage d’espaces ruraux que l’intensif, du fait des rendements plus faibles.

Par ailleurs, l’étude Esteban menée par Santé publique France en 2021 montre que les enfants mangeant bio présentent davantage de cuivre dans leurs urines. En effet, le cuivre est utilisé en agriculture biologique pour combattre les maladies fongiques.

Ainsi, l’agriculture bio, si elle est une alternative intéressante, n’est elle non plus pas 100 % parfaite.

Permaculture

La permaculture, quant à elle, se décline selon quelques grands principes définis par les Australiens David Holmgren et Bill Mollison, parmi lesquels :

  • observer avant d’agir,
  • valoriser les ressources,
  • ne produire aucun déchet,
  • aller des grands ensembles aux détails,
  • commencer lentement et à petite échelle,
  • valoriser la diversité,
  • etc.

Ainsi, ce modèle agricole est davantage adapté aux productions maraîchères qu’aux grandes cultures. En effet, plus la surface agricole est petite, plus la permaculture est efficace et offre de bons rendements.

Elle rassemble d’ailleurs un ensemble de principes qui s’articulent autour de grands 3 concepts philosophiques :

  • prendre soin de la terre,
  • prendre soin des autres,
  • créer l’abondance et redistribuer les surplus.

La permaculture s’inspire de la nature et des forêts : c’est pourquoi elle recommande d’observer avant d’agir. Pourquoi y a-t-il des pucerons sur ma tomate ? Représentent-ils un danger pour cette dernière ou puis-je ne pas intervenir ? Est-ce que j’ai des coccinelles dans mon jardin qui vont pouvoir prendre en charge le problème ? Quelles autres plantes pourrais-je utiliser pour protéger mes tomates et attirer des coccinelles ?

Ainsi, plutôt que d’intervenir sur le court terme, la permaculture permet d’agir sur le long terme. La Ferme du Bec Hellouin est un bel exemple de réussite, qui montre l’intérêt de la permaculture sur les plans productifs, écologiques et sanitaires. Ce mode de culture a de plus été développé en Australie, pays connu pour ses sécheresses : ainsi, il permet de maintenir de bons rendements, malgré des conditions météorologiques néfastes.

4. Est-il possible de nourrir la population mondiale sans agriculture intensive ?

Aujourd’hui, le bio ne représente que 9,5 % de la surface agricole utile en France. Pourtant, ce chiffre ne cesse d’augmenter : ainsi, il a été doublé en 5 ans.

Mais nourrir la population mondiale est-elle vraiment envisageable avec le bio ? Plusieurs affirment que non, du fait des rendements moindres. Pourtant, une étude parue dans la revue Nature en 2017 indique que cela serait réalisable, à deux conditions :

  • que la consommation de produits d’origine animale diminue,
  • que le gaspillage alimentaire soit limité au strict minimum.

Dans tous les cas, revenir à une agriculture familiale dans toutes les régions du globe permettrait d’atteindre les Objectifs de développement durable des Nations unies. Ce mode agricole familial permettrait en effet de limiter les pertes alimentaires, de développer les territoires comme de préserver la biodiversité et l’environnement.

Vous souhaitez contribuer à ce changement de paradigme au sein de votre propre jardin ou de votre potager ? Peut-être devenir autosuffisant ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *