L’état des terres agricoles en France

La France possède l’une des surfaces agricoles les plus importantes de l’Union européenne : 52 % du territoire sont consacrés aux productions céréalières, oléagineuses et maraîchères. Pourtant, l’artificialisation des sols progresse inexorablement, transformant peu à peu les champs en surfaces bétonnées. En parallèle, la modification des activités agricoles met en péril l’environnement tout en compliquant l’installation des nouvelles générations d’agriculteurs. L’association Terre de liens, qui se bat depuis 2003 pour protéger les sols cultivables et préserver l’avenir des paysans français, dresse un bilan sur l’état des terres agricoles en France.

L’artificialisation des sols au profit du développement économique

Depuis le début des années 1990, environ 55 000 hectares de terres agricoles sont artificialisés chaque année ! Ces sols cultivables sont convertis en surfaces constructibles et viabilisées, destinées à l’habitat et au développement économique de notre société. Selon les chiffres mentionnés dans le rapport de Terre de liens, 30 % de ces surfaces artificialisées sont vouées au foncier économique, qui inclut notamment la construction de centres commerciaux, de pôles d’entreprises et d’espaces de loisirs. 

L’urbanisation des zones rurales, en particulier celles qui se trouvent en périphérie des villes, est bien souvent justifiée par la création d’emplois, d’habitations et de zones d’activités économiques plus lucratives que l’exploitation des terres cultivables. En d’autres termes, les parcelles agricoles périurbaines disparaissent pour laisser place à des zones construites qui génèrent des retours financiers importants pour les communes, les chefs d’entreprise et les propriétaires de logements.

Face à ces enjeux économiques, la disparition progressive des paysages agricoles provoque des dégâts écologiques et environnementaux conséquents.

Vers une dégradation progressive de la qualité des sols

Les sols jouent un rôle capital dans notre environnement, que ce soit au niveau de la régulation du cycle de l’eau ou du maintien des équilibres entre les différents écosystèmes. Avec la construction de zones bétonnées et d’infrastructures goudronnées, les sols deviennent de plus en plus imperméables. Conséquence : l’eau ne s’infiltre plus, mais ruisselle. Ne jouant plus leur rôle de tampons pour retenir les eaux pluviales, ces sols imperméabilisés favorisent l’augmentation des crues et les risques d’inondation.

De nombreux écosystèmes sont également perturbés. Certaines espèces animales et végétales, dont la vie dépend de l’hydratation et de la qualité du sol, se trouvent menacées. C’est notamment le cas de la microfaune, dont l’activité biologique permet de constituer la matière organique qui stocke le carbone en limitant sa présence dans l’atmosphère. 

Vous l’aurez compris : le climat est lui aussi affecté par la modification des sols. Les terrains urbanisés, dépourvus de matière organique et de terre, favorisent l’augmentation du taux de dioxyde de carbone dans l’air, un gaz bien connu pour son rôle central dans le réchauffement climatique.

terre agricole dégradée où la végétation est éparse

Les terres agricoles restantes ne sont pas épargnées par cette transformation drastique de notre environnement. Avec la mécanisation et la modernisation de l’agriculture, les terrains cultivables subissent l’érosion de plein fouet. Désormais, près de 18 % des sols français sont touchés par ce phénomène ! Associée au tassement continuel de la surface arable, l’érosion entraîne une diminution de la rétention d’eau, ce qui compromet fortement le rendement et la qualité des récoltes. L’utilisation intensive de pesticides, d’engrais et d’autres produits chimiques utilisés pour améliorer les récoltes ont des répercussions sur la qualité des sols et sur la santé de la faune et de la flore.

L’agrandissement des fermes et la hausse des prix des terres agricoles

Là aussi, les chiffres sont alarmants : entre 2010 et 2020, la France a perdu près de 100 000 exploitations agricoles. Nous constatons également un agrandissement conséquent des surfaces cultivables pour les exploitations restantes. Comment expliquer ce phénomène de concentration des terres agricoles ?

Plusieurs facteurs entrent en jeu. Premier constat, la population agricole est vieillissante : en 2030, près de 25 % des paysans français actuels seront partis en retraite. Des retraites bien souvent très maigres, qui poussent les anciens actifs à augmenter le prix des terres agricoles lors de leur vente. Les nouvelles générations d’agriculteurs n’ayant pas forcément les moyens d’acheter à des prix élevés, ces parcelles sont généralement reprises par des investisseurs attirés par le profit financier, aux dépens de la qualité de la production. L’agrandissement des fermes et la concentration des terres entraînent par ailleurs une nette baisse des emplois dans le monde agricole, les différentes tâches étant de plus en plus automatisées et robotisées.

Deuxième constat : avec la dégradation de la qualité des sols, les rendements et la qualité des productions agricoles baissent. Cela pousse les agriculteurs à se regrouper sous forme de sociétés afin de former des exploitations plus grandes et plus modernes, les faisant entrer dans un cercle vicieux. Les terres agricoles toujours plus grandes sont exploitées par des machines et des techniques modernes qui accentuent l’érosion et l’appauvrissement des sols.

Le troisième constat fait par Terre de liens concerne le prix des terres agricoles et les aides financières pour l’installation ou pour la transmission des exploitations. Face à l’inflation et à la croissance immobilière, de nombreux promoteurs se tournent vers l’achat et la vente de terres agricoles. Ces terrains, voués à une urbanisation progressive, voient leur prix s’élever de manière exponentielle, devenant inaccessibles aux nouvelles générations souhaitant s’installer et se lancer dans l’achat de terres agricoles. Une fois de plus, cette flambée des prix favorise l’artificialisation des sols et la concentration des terres restantes.

Les aides financières disponibles n’aident pas non plus à l’installation. Avec des retraites misérables, de nombreux agriculteurs continuent de travailler afin de percevoir des aides comme celle de la PAC (politique agricole commune) pour vivre décemment. D’autres moyens de financement, comme l’AITA (aide à l’installation et à la transmission en agriculture) ou la DJA (dotation jeune agriculteur) dépendent notamment de critères d’acceptation obsolètes. Ces derniers ne sont bien souvent plus en phase avec les profils des nouveaux candidats, que ce soit au niveau de l’âge ou de la surface de l’exploitation à reprendre. Par conséquent, de nombreuses vocations agricoles sont abandonnées.

un couple d'agriculteurs devant leurs cultures
Des solutions sont à mettre en œuvre pour garantir un meilleur avenir aux agriculteurs de tous les âges

Des solutions pour préserver les terres agricoles en France

Tout n’est pas perdu : pour pérenniser l’utilisation des terres agricoles et soutenir l’installation des jeunes paysans, différentes solutions peuvent être mises en place. Pour cela, il est urgent d’agir à plusieurs niveaux.

  • Mettre en place une nouvelle loi foncière pour empêcher l’artificialisation des terres agricoles en décourageant les promoteurs et les propriétaires via la mise en place de taxes.
  • Aider les nouvelles générations de paysans à acquérir plus facilement, grâce à une meilleure maîtrise de la valeur financière des sols cultivables. L’aide à l’installation peut être facilitée avec la mise en place d’un système de portage foncier, sans devoir procéder à l’achat de terres agricoles. 
  • Réformer la PAC et les autres aides pour les agriculteurs avec une révision des critères d’acceptation et une meilleure distribution des finances.
  • Sensibiliser les collectivités, les entreprises, les propriétaires et les citoyens aux intérêts d’une agriculture responsable pour préserver l’environnement et faciliter l’installation des jeunes fermiers. Cela passe aussi par l’établissement de circuits courts et d’un commerce essentiellement local.
  • Inciter les paysans à se tourner vers l’agriculture biologique afin de lutter contre le réchauffement climatique et contre la pollution de l’environnement.

Les associations comme Terre de liens œuvrent chaque jour en ce sens, dans le but de protéger la terre nourricière indispensable à notre avenir.

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