La méthanisation, une énergie prometteuse ?

2022, année de la crise énergétique. La voie devient toute tracée pour les énergies renouvelables… Et l’une d’entre elles pourrait directement participer à notre indépendance gazière. Le biométhane est une énergie biomasse dont résulte la production d’un gaz naturel. Depuis 2007, son développement est exponentiel. De petites unités de microméthanisation à la ferme aux grosses usines centralisées, en passant par les collectifs agricoles, on dénombrait 1 175 unités biogaz en France fin 2021. 

Procédé biologique, utilisation des déchets, revalorisation de la filière agricole, la méthanisation semble tout avoir d’une énergie prometteuse. Pourtant, il subsiste des incertitudes pour notre environnement. Décryptage.

La méthanisation, qu’est-ce que c’est ?

La méthanisation, ou digestion anaérobie, est un procédé naturel par lequel des matières organiques végétales ou animales, sous l’action de microorganismes, se dégradent et fermentent dans un milieu privé d’oxygène. S’il existe à l’état naturel, ce processus a pu être reproduit grâce à la mise en place d’unités de méthanisation. Car tout l’intérêt de cette fermentation réside dans son résultat : la formation d’un gaz, dit biogaz, composé de CO2 et de biométhane. 

Le biométhane est un gaz vert, renouvelable à l’infini, qui peut être acheminé et utilisé comme source d’énergie. En outre, à l’issue de la transformation, les résidus de matières deviennent digestat, un coproduit revalorisé en engrais agricole.

La production de cette énergie renouvelable se fait au plus près des effluents ou matières premières qui l’alimentent. Ainsi, c’est dans les exploitations et régions agricoles (dont la Bretagne, majoritairement) que les unités, voire usines de méthanisation se développent. On différencie deux types d’installations :

  • la méthanisation par cogénération : le biogaz est converti en chaleur et en électricité, et utilisé directement au sein de l’exploitation qui abrite le méthaniseur. Un bénéfice direct pour les agriculteurs.
  • la méthanisation par injection : la production de biométhane est récupérée et réinjectée grâce à un raccordement au réseau national de gaz naturel. Le gaz est alors racheté par les fournisseurs.

Le biogaz, une énergie verte pleine de ressources

La méthanisation comme énergie renouvelable d’avenir

C’est l’un des principaux avantages mis en exergue par notre ministère de la Transition écologique. Le biogaz est en effet une énergie renouvelable, difficilement épuisable et n’engendrant que peu de déchets ou de pollution. Au même titre que l’éolien, le solaire, l’hydraulique ou la géothermie, la méthanisation compte comme avenir de la production d’énergie. Objectif annoncé en France pour 2030 : une consommation d’énergie provenant à 40 % du renouvelable. Le développement d’unités de méthanisation y contribue, de même, au regard du contexte actuel de crise énergétique, qu’à notre indépendance.   

Une source de traitement des déchets

La production de biogaz présente une autre qualité, celle de participer à la valorisation des déchets. Les résidus de culture et de tonte, les déchets agricoles (végétaux, excréments), mais aussi, à plus grande échelle, les biodéchets des ménages peuvent ainsi servir d’effluents (ou matières premières) à la création de biométhane. 

Dans les petites exploitations agricoles, disposer d’une unité de microméthanisation permet de se débarrasser de ses déchets, tout en générant de l’énergie. Cette dernière servira à électrifier et chauffer la ferme. Le digestat, quant à lui, fournira un apport d’engrais. Une forme d’économie circulaire qui autonomise les agriculteurs, mais pas seulement.

vaches devant une usine à méthanisation pour représenter la reconversion possible des agriculteurs

Un soutien financier au secteur agricole 

La mise en place de méthaniseurs à injection constitue, à terme, un complément de revenus non négligeable pour des agriculteurs parfois en difficulté financière. Outre une subvention lors de l’installation, les fermiers convertis au biométhane revendent leur gaz. Le tarif se voit même revalorisé si les déchets alimentant le digesteur sont principalement issus de leur exploitation. 

Et pour ceux qui ne pourraient pas investir dans leur propre méthaniseur, de plus en plus d’usines de méthanisation voient le jour, regroupant plusieurs fermes et développées avec le soutien des régions.

Pourtant, malgré ce tableau positif, il subsiste plusieurs zones d’ombre.

Les inconvénients de la méthanisation agricole sont-ils rédhibitoires ?

Au titre des inconvénients de la méthanisation, nous passerons sur les nuisances visuelles et pratiques. Tout comme les éoliennes et les panneaux solaires, les digesteurs sont peu esthétiques, de même que les zones de stockage des déchets et les odeurs qui peuvent en découler. Mais ce sont surtout d’autres risques liés à la production de biogaz qui inquiètent.  

Le digestat, source de pollution des sols ? 

La valorisation du digestat comme fertilisant pose question lorsque l’on se penche sur les déchets organiques servant à la méthanisation, contenant de possibles résidus de traitements antibiotiques administrés aux bêtes.

En outre, à la température de méthanisation la plus courante – soit 40 °C – se développent bactéries pathogènes non détruites par le procédé. La pratique d’hygiénisation portant pendant une heure le digestat à 70 °C n’est pas obligatoire, coûteuse et peu utilisée par les petites exploitations…

C’est donc un produit potentiellement dangereux qui peut ensuite être épandu dans les cultures. Et sur des sols calcaires, le fertilisant s’infiltre rapidement jusqu’à la nappe phréatique. Des bactéries et résidus antibiotiques peuvent ainsi se retrouver dans l’eau, le traitement par les stations de potabilisation n’étant parfois pas suffisant pour y remédier.

Il existe néanmoins des normes de distance liées à l’épandage de digestat, au regard de certaines zones : cours d’eau, habitation, lieux de baignade et plages, pisciculture. 

Le biométhane, effet de serre ou pas ?

L’autre inconvénient de la méthanisation réside dans l’émission de gaz à effet de serre (GES). Pourtant, le biométhane est une énergie décarbonée, dont le taux de CO2 émis durant son cycle de vie est dix fois inférieur à celui du gaz naturel. Néanmoins, sont pointés du doigt les risques de fuite de méthane inhérents à l’entretien des digesteurs (membranes, canalisations). En outre, le digestat contient de l’ammoniac, un gaz volatile que le contact avec l’air transforme en protoxyde d’azote, autre GES puissant. Pour pallier ce risque, les cuves de digestat doivent être couvertes et des précautions sont à prendre lors de l’épandage (absence de vent, diffusion basse voire enfouissage du fertilisant).

La méthanisation dépendante des intercultures ?

Les effluents servant à la méthanisation agricole sont principalement le fumier, mais on y adjoint aussi des intercultures. Ce sont notamment de jeunes céréales dont le taux de sucre et de carbone est idéal pour produire du biométhane. Or, celles-ci sont souvent cultivées à cette unique fin… Et pour parvenir à une production de biogaz telle que souhaitée par le gouvernement, la surface de terres agricoles dédiées aux intercultures serait exponentielle. Une nécessité qui mettrait à mal le concept de valorisation des déchets.

L’impact économique de la méthanisation agricole 

Enfin, l’avantage financier représenté par l’installation d’une unité de méthanisation sur son exploitation perd parfois son sens… La popularisation des méthaniseurs par injection engendre un investissement, mais aussi une maintenance, au coût plus élevé, difficiles à assumer par de petits agriculteurs. De même pour l’approvisionnement en déchets, au minimum 30 tonnes quotidiennes. 

Les déchets sont d’ailleurs devenus un marché à part entière, faisant parfois perdre aux fermiers la rentabilité de leur installation gazière. Ceux-ci doivent désormais mettre la main au porte-monnaie pour nourrir leur méthaniseur. Il est plus simple, finalement, de se regrouper en usines de méthanisation… Et peu à peu, de bénéfice pour les agriculteurs, la méthanisation redevient l’affaire des fournisseurs d’énergie qui s’invitent au capital de ces grosses structures.

Si la méthanisation reste une source incontournable d’énergie et une solution d’avenir, les risques environnementaux et sociaux ne doivent pas être négligés. Les enjeux du monde agricole ne peuvent être réduits à la production de biogaz et les paramètres écologiques de cette dernière nécessitent un cadre strict. Gageons que nous saurons trouver le juste équilibre pour que cette belle énergie verte le soit totalement !

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