Microplastiques : les océans 5 fois plus pollués que prévu

Quelques chiffres contextuels sur les microplastiques
- Plus de 350 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année. 300 de ces 350 millions deviendront des déchets pratiquement aussitôt après avoir été utilisés.
- 1/3 de ces 300 millions se retrouvent dans la nature.
- Chaque année, 10 millions de tonnes de plastique sont rejetées chaque année dans les océans.
- 70 % de la pollution retrouvée sur les plages de Méditerranée sont composés de plastique.
D’où vient tout ce plastique ? Réponse avec ces quelques chiffres, qui nous concernent pour la plupart :
- 1 million de bouteilles en plastique sont produites chaque… minute.
- 4 objets en plastique sur 10 ne seront utilisés qu’une fois avant d’être jetés.
- La moitié de la production plastique mondiale sert à fabriquer des emballages.
- Sur les 50 millions de tonnes qui ne finissent pas dans la nature chaque année, seuls 9 % sont recyclées (30 % en Europe, 22 % en France).
24 400 milliards de particules de microplastiques
Les microplastiques sont des particules de plastique dont la taille est inférieure à 5 millimètres. Ces particules proviennent des objets utilisés sur la terre ferme et rejetés dans la nature, mais aussi de sources moins visibles. Par exemple, du frottement de nos pneus sur la chaussée, de nos cycles de lavage en machine à laver, qui évacuent dans leurs eaux des fibres synthétiques, ou encore des microbilles contenues dans certains produits de beauté et détergents. Plus de 80 % de la pollution océanique provient en réalité de nos activités terrestres. Le reste est la conséquence directe des activités en mer.
Basées sur un millier de relevés, les dernières études datant de 2015 faisaient état de 30 000 tonnes de microplastiques présents dans les océans. La dernière étude de l’IFREMER, publiée le 9 septembre 2021, estime désormais que la quantité de microplastiques dans les océans se situe entre 80 000 et 580 000 tonnes. Basée sur plus de 8 200 échantillons d’eau de mer, l’étude précise le chiffre hallucinant de 24 400 milliards de particules de microplastiques déjà présents dans nos océans.
De 80 000 à 580 000 tonnes : pourquoi un tel écart ?
Il est extrêmement compliqué d’estimer le nombre de particules qui polluent aujourd’hui nos océans. Infiniment petits, ces fragments se dispersent différemment en fonction des vents terrestres, des courants marins, des turbulences océaniques, mais aussi en fonction de leur poids et de leur composition.
Ceci explique d’ailleurs pourquoi les différentes estimations établies à travers le monde trouvent parfois des résultats différents : tout dépend de la méthodologie et des modes de calcul utilisés, des régions étudiées et des paramètres pris en compte.
Les observations concernant la pollution des océans aux microplastiques remontent aux années 1970. Cette nouvelle étude a quant à elle pris en compte l’ensemble des données collectées, qu’elles aient été publiées ou non, sur les microplastiques entre 2000 et 2019. Or tous ces jeux de données n’ont pas tous appliqué les mêmes protocoles et les mêmes critères, ni les mêmes modes de calcul pour arriver à leurs résultats. Ceci explique en partie cet écart entre la fourchette basse de 80 000 tonnes et la fourchette haute de 580 000 tonnes.
Un chiffre loin d’être définitif
Les auteurs soulignent l’urgence d’harmoniser les méthodologies de récolte et d’analyse des données sur la pollution océanique aux microplastiques, mais aussi de renforcer la recherche sur les zones les plus exposées à ces pollutions. Les données manquent, par exemple, dans l’océan Indien et dans les mers autour de l’Asie du Sud-Est. Lorsque l’on sait que jusqu’il n’y a pas si longtemps, les déchets non recyclés étaient tous envoyés en Asie, cela pose question.
Cette étude a également apporté une attention accrue à l’accumulation de ces microplastiques dans les fonds marins côtiers et abyssaux. En effet, les microplastiques, plus légers que l’eau, peuvent toutefois être entraînés dans les profondeurs par les turbulences marines ou les animaux qui les consomment : sous forme de déjection ou au décès de l’animal. La présence de microplastiques dans les fonds océaniques pourrait donc, selon cette étude, être beaucoup plus importante que prévu.
Enfin, les données récoltées jusqu’à présent dépendent de la taille des mailles des filets utilisés pour filtrer l’eau de mer. Les très petits microplastiques (< 300 μm) et des nanoplastiques (< 1 μm) demanderaient de développer un protocole adapté. Une étude antérieure révélait en effet que 60 % des particules de microplastiques d’une taille comprise entre 0,4 mm et 1 mm passent à travers les mailles des filets d’échantillonnage scientifiques.
Pour résumer, pour pouvoir s’approcher de la véritable ampleur de la pollution des océans aux microplastiques, il devient urgent de combler ces lacunes et d’axer la recherche sur les zones aujourd’hui encore trop peu étudiées.
Des conséquences déjà dramatiques sur la biodiversité marine…
Le plastique, nous le savons depuis maintenant de nombreuses années, a des conséquences dramatiques sur la faune et la flore marine. 1 milliard d’oiseaux marins meurent à cause du plastique chaque année et plus de 700 espèces de poissons, de tortues et de cétacés s’étouffent ou tombent malades. Le plancton – qui est, rappelons-le, notre premier fournisseur d’oxygène sur la planète – est impacté lui aussi.
Cette nouvelle étude nous apporte une nouvelle information : ces microparticules de plastique pourraient également accélérer la diffusion de virus dans les océans et affecter des régions entières. En effet, la diffusion des microbes dans l’océan était avant tout effectuée par les fibres végétales qui circulent dans les océans, les bouts de bois ou les noix de coco… Puis la coque des bateaux et les filets dérivants (ou les filets fantômes : un autre problème de taille pour nos océans !). La pollution plastique offre des milliards de nouveaux radeaux aux bactéries et aux virus répartis dans tous les océans et facilite ainsi leur diffusion au sein de populations de poissons et d’animaux marins d’ordinaire isolées les unes des autres. Ces virus propres au milieu aquatique ne sont pas une menace pour l’être humain, et inversement. En revanche, cela représente une nouvelle menace pour la biodiversité marine, et aussi, en conséquence, pour notre sécurité alimentaire.
… et sur nous
Eh oui ! cette pollution issue de nos activités n’est pas nocive que pour la nature et l’océan. Si nous sommes au début de cette course infernale, nous sommes aussi parfois à la fin du cycle. Tout ce plastique fragmenté en milliards de microparticules intègre l’eau que l’on boit, l’air que l’on respire et, bien entendu, ce que l’on mange ! Qu’ils finissent dans les champs ou dans l’océan, ces microplastiques reviennent en partie dans nos organismes, via nos assiettes et nos poumons. 30 % des poissons de mer consommés au Royaume-Uni contiennent du plastique ! Ainsi le WWF estime que nous ingérons chaque semaine 5 grammes de plastique en moyenne, soit le poids d’une carte bancaire !
L’épidémie de la Covid-19, en effet, repoussé certaines réglementations concernant le plastique et les océans. De plus, alors que les lois qui devaient permettre de dire adieu à un certain nombre d’objets jetables étaient sur le point d’entrer en vigueur, nous avons au contraire démultiplié nos usages de jetables avec les masques, les gants en plastique et autres équipements de protection ou de consommation courante (les gobelets, par exemple).
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