Les néonicotinoïdes : leurs effets sur les abeilles et pollinisateurs

Le 30 juillet 2018, un décret a été instauré pour interdire l’utilisation des néonicotinoïdes. Le 12 juillet 2021, l’État français a refusé la demande d’annulation de ce décret. Ces décisions sont parfois encouragées et décriées, pour différentes raisons. Les néonicotinoïdes pourraient avoir des effets néfastes sur les abeilles et pollinisateurs, mais c’est plus difficile à prouver que ce que l’on pense. De plus, de nombreuses cultures dépendent de l’utilisation de ces produits. Nous vous proposons un point d’ensemble pour mieux comprendre les différentes opinions sur le sujet.
Les néonicotinoïdes : composition et définition
Point sur les néonicotinoïdes
Les néonicotinoïdes, aussi appelés néonics pour le confort, sont des insecticides. Ils sont utilisés en agriculture. Nous verrons qu’il est aussi possible d’en rencontrer dans d’autres contextes.
Ils s’utilisent de façon systémique. Cela signifie que les substances se diffusent dans l’entièreté de la plante. À l’origine, ils protègent les cultures des pucerons et autres insectes dévastateurs. Ils peuvent être utilisés de plusieurs manières : en granulés, en traitements appliqués sur des semis, ou sous forme de produit pulvérisé.
On retrouve couramment 5 substances appartenant aux néonicotinoïdes :
- clothianidine ;
- imidaclopride ;
- thiaméthoxame ;
- acétamipride ;
- etc.
Les néonicotinoïdes utilisés dans d’autres contextes que l’agriculture
On peut trouver ces insecticides dans d’autres contextes que l’agriculture. Par exemple, ils sont aussi utilisés dans des médicaments vétérinaires. Ils ont alors pour objectif de servir d’anti-puces et autres parasites. On les trouvera dans des traitements de bâtiments d’élevages, ou même dans la composition d’appâts contre les nuisibles. Elles sont aussi utilisées dans des pépinières et autres cultures de plantes en pot.
Historique des interdictions
Le sujet n’est pas nouveau. Il est sur la table depuis au moins 2013, les tous premiers questionnements remontent à 2006 (heure des premières études et constats).
En 2013, l’EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments) et la Commission européenne ont pris la décision de restreindre l’utilisation des trois premières substances citées tout à l’heure : clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame.
À la base, cette restriction ne concernait que les cultures prisées par les pollinisateurs. En 2016, en France, la loi pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages prévoit d’interdire les néonicotinoïdes pour le 1er septembre 2018. Des dérogations avaient été accordées jusqu’en juillet 2020.
En 2018, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) publie un rapport sur les alternatives chimiques et non chimiques aux néonicotinoïdes. La Commission européenne interdit pour de bon les trois substances évoquées plus haut, au niveau européen sauf pour les usages sous terre.
Enfin, en 2019 la substance thiaclopride est également interdite suite à une réévaluation des risques.
Les effets évoqués des néonicotinoïdes sur les abeilles et insectes pollinisateurs
Mais alors quels sont les effets de ces néonicotinoïdes, pour qu’ils soient interdits ?
En réalité, les pesticides en eux-mêmes ne seraient pas l’unique problème. Ils représenteraient un facteur de risque supplémentaire en cas de co-exposition avec des agents infectieux. On peut parler du varroa, entre autres. Il s’agit d’un parasite très contagieux qui peut se transmettre d’une ruche à l’autre.
Selon les études, les avis divergent sur les réels effets des néonicotinoïdes sur les abeilles et autres pollinisateurs. Les variables dépendent entre autres du mode d’application, de la quantité, etc.
Certaines études récentes soulignent tout de même une diminution de 90 % de reproduction des abeilles lorsqu’il s’agissait de fleurs et autres plantes ornementales traitées aux insecticides. Ces effets sont d’autant plus dévastateurs qu’ils concernent des espèces d’abeilles solitaires.
Ces abeilles ne vivant pas en société au sein d’une ruche, les impacts sur leurs reproductions peuvent être assez dramatiques. Les impacts sont en effet jugés moins graves sur une abeille vivant en ruche : la longévité de la ruche n’est pas toujours compromise. Pour une abeille solitaire, si sa reproductivité n’est pas assurée, c’est plus délicat. Cela peut entraîner de lourdes conséquences pour l’espèce.
Les alternatives envisagées et leurs effets évalués
Malheureusement, il est très difficile de trouver des alternatives aux néonicotinoïdes qui soient aussi efficaces et opérationnelles. Il existe d’autres produits qui pourraient faire le même travail, mais qui sont plus toxiques ou dangereux. Anciennement, on utilisait de la nicotine, entre autres. Il est aussi possible de voir d’autres produits.
D’ailleurs, il est à noter que d’autres substances ont été interdites en France, fonctionnant de la même manière que les néonicotinoïdes : sulfoxaflor et flupyradifurone. Les études de l’ANSE ont fait plusieurs conclusions :
- il n’est pas possible de déterminer quelles substances actives représenteraient le moins de ;
- il est difficile d’anticiper l’impact de l’interdiction des néonicotinoïdes et produits alternatifs, à cause des risques par rapport aux néonicotinoïdes de la diversité de leurs usages et de leurs effets.
Les controverses rencontrées et impacts
Des effets qui sont en réalité difficiles à prouver
La controverse est pourtant là : les effets des néonicotinoïdes seraient, en réalité, difficiles à prouver définitivement. Et les décisions prises sont donc jugées beaucoup trop strictes par bon nombre d’agriculteurs et autres exploitants.
Les recherches menées sur les néonicotinoïdes se multiplient et donnent de nombreux résultats. Mais bon nombre ont été décriées, car elles ne prennent pas en compte les conditions réelles d’utilisation des pesticides.
Par exemple, des conclusions ont pu être tirées sur l’exposition des abeilles butineuses, qui auraient été désorientées, voire tuées en étant exposées aux produits en question. Pourtant, il est apparu que lors de ces études les doses de produits étaient jusqu’à 30 % supérieures à la réalité.
De plus, on pourrait être en droit de se demander si, au-delà des effets sur les abeilles et autres pollinisateurs, les néonicotinoïdes représentent un risque pour la santé humaine. Or, des travaux menés par l’ANSES en 2016 n’ont pas pu mettre en évidence d’effet nocif pour la santé humaine des néonicotinoïdes. À condition qu’ils soient utilisés dans les conditions d’emploi fixées, ils ne seraient donc pas dangereux.
Les impacts
Le problème de toute cette polémique, c’est que beaucoup y voient leurs propres intérêts. Des décisions ont pu être prises par « principe de précaution ». Mais cela a engendré de lourds impacts en termes de production et d’économie.
Certains producteurs se retrouvent obligés de réorienter l’intégralité de leur démarche. Par exemple, les agriculteurs qui produisaient de la betterave se retrouvent désorientés. La betterave est une plante qui ne produit ni fleur ni pollen.
Elle n’est donc pas vraiment intéressante pour les abeilles. Mais les néonicotinoïdes ont tout de même été interdits sur ce type de culture. À l’inverse, la betterave est une victime très fréquente des pucerons et autres insectes ravageurs, ainsi que de la jaunisse (virus transmis par les pucerons !).
Il est donc particulièrement difficile d’imaginer poursuivre une activité dans ce domaine. Et de là, en découlent de nombreux autres pans d’une même chaîne : les industries du sucre, qui doivent se fournir en betteraves, les éleveurs qui utilisent la pulpe pour nourrir leur bétail, etc.
Faut-il donc modérer les utilisations des néonicotinoïdes et revenir sur une manière plus raisonnée de les utiliser ?
La question des néonicotinoïdes et de ses effets est, comme nous venons de le voir, assez difficile à dénouer. Cela participe sûrement aux nombreux consensus tenus à leur sujet. Entre complots politiques, manipulations scientifiques et conflits d’intérêts, il est difficile de trancher clairement sur les décisions prises par la Commission européenne et le gouvernement français. Une seule chose de sûre : le combat n’est pas encore terminé et risque de donner encore lieu à quelques rebondissements dans l’avenir.
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