Obligations vertes européennes : à quoi servent-elles ?

En période post-Covid, trouver de l’argent pour investir dans la finance verte n’est pas toujours aisé. De nombreux secteurs ont été en effet touchés par la pandémie, créant une nouvelle crise économique au niveau mondial. Pour lutter contre ses effets, la Commission européenne a choisi de développer l’instrument temporaire NextGenerationEU. Ce dernier est destiné à relancer l’économie européenne, notamment l’économie verte. Comment ? En mettant en place des obligations vertes, un outil de financement durable qui a pour but de donner des fonds à la transition écologique.
Mais que sont les obligations vertes européennes ? Que vont-elles financer ?
Obligations vertes : qu’est-ce que c’est ?
« Changez de banque ! » vous a-t-on peut-être déjà dit. « Investissez dans les projets verts ! »
Aujourd’hui, c’est assez bien connu du grand public : les banques sont à la base d’une grande source de pollution. En finançant des projets dans l’industrie pétrolière et autres énergies fossiles avec l’argent des particuliers, elles contribuent à l’accélération du dérèglement climatique. En effet, d’après le rapport d’Oxfam France, ces financements banquiers contribueraient à une hausse des températures de 4 °C d’ici 2100 !
Peut-on lutter contre ce phénomène ? La réponse est : oui ! Nombreux sont ceux qui, désormais, préconisent d’investir dans des projets de transition écologique. C’est ce qu’on appelle le placement vert, le placement écologique, le placement durable ou encore l’investissement vert. À terme, le but est bien évidemment de cesser le financement des activités polluantes au profit des activités écologiques. En somme, il s’agit de parvenir à diminuer les émissions de gaz à effet de serre en ne les finançant plus.
Pour savoir si un placement est réellement durable, des critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) ont été définis. Ils recensent l’ensemble des critères que doivent respecter les fonds de financement responsables.
Les ISR (Investissements Socialement Responsables) doivent intégrer ces critères ESG, mais pas seulement. Ils doivent aussi assurer une haute performance financière. C’est la conciliation entre ces deux aspects (ESG + performance financière) qui permet aux fonds financiers (publics ou privés) de sélectionner les entreprises qui seront aidées.
En particulier, une obligation verte est un emprunt émis sur le marché par une entreprise ou une entité publique pour financer des projets contribuant à la transition écologique (énergies renouvelables, efficacité énergétique, gestion durable des déchets et de l’eau, transport propre, etc.).
Aussi appelées green bonds, cet instrument de financement oblige l’émetteur à publier, chaque année, un rapport pour ses investisseurs. Ceci permet de vérifier que les engagements environnementaux sont respectés.
Mais, concrètement, quels types de projets cet instrument finance-t-il ? En réalité, aucun standard ne le précise vraiment. Les enjeux actuels portent donc notamment sur la qualification des projets financés.
Financer le plan de relance post-Covid à l’aide d’un outil de finance durable
Or, c’est justement cette question de la qualification des projets qui est en jeu en ce moment.
En effet, la Commission européenne a choisi d’émettre de nouvelles obligations vertes. L’enjeu ? Financer 30 % du plan de relance post-covid. Au total, 750 milliards d’euros seront investis dans ce plan de relance.
Les modalités définies sont les suivantes :
- une première émission sera réalisée en octobre ;
- 250 milliards d’euros d’obligations vertes seront émis d’ici 2026 ;
- le cadre européen s’alignera sur les principes de l’Association internationale des marchés de capitaux (ICMA), mais il doit encore être précisé ;
- les États membres de l’Union européenne devront reporter de manière précise les investissements réalisés dans la transition écologique. Chacun d’entre eux devra consacrer au moins 37 % de son budget national à des projets à visée écologique ;
- seuls des projets présentant un impact environnemental positif seront financés. Si un projet ne comprend qu’une part d’activité « verte » (au minimum 40 %), seule cette part sera financée par les obligations vertes européennes.
En ce qui concerne la qualification des projets qui seront financés, plusieurs catégories se distinguent :
- les énergies propres,
- les technologies numériques vertes,
- l’efficacité énergétique (notamment l’isolation des bâtiments),
- les transports durables,
- l’économie circulaire et le traitement de l’eau,
- la protection de la biodiversité,
- l’adaptation aux changements climatiques,
- la transition verte.
Obligations vertes européennes : pas de nucléaire financé
Le nucléaire peut-il participer à la transition énergétique ? Cette question fait débat, même au cœur des écologistes. En effet, cette énergie présente des avantages comme des inconvénients :
- Le nucléaire a un impact certain sur les écosystèmes fluviaux. L’enfouissement des déchets nucléaires crée des risques radioactifs tandis que l’extraction et le transport d’uranium émettent des gaz à effet de serre et de la pollution. Il s’agit d’une énergie fossile, non renouvelable.
- En même temps, la production d’électricité via l’énergie nucléaire n’émet que très peu de gaz à effet de serre.
Ainsi, savoir si l’atome peut participer ou non à la transition énergétique est un sujet sensible. Pourtant, Bruxelles n’a pas hésité à mettre cette catégorie de projets de côté, affirmant ainsi sa prise de position et sa politique à ce sujet.
En effet, la Commission européenne a affirmé que ce secteur n’était pas porteur d’une transition énergétique verte. Ainsi, les projets dans le nucléaire ne seront pas financés par les obligations vertes européennes.
Les projets dans le gaz financés sous certaines conditions
Toutefois, une question demeure, car la Commission a également affirmé vouloir financer la production d’électricité avec du gaz « sous certaines conditions ». Or, il s’agit d’une énergie fossile, non renouvelable, qui a de nombreux inconvénients d’un point de vue écologique.
En effet, une partie de ce gaz (principalement du méthane) « s’échappe » lors de son extraction. Rappelons que le méthane est bien plus contributeur à l’effet de serre que le dioxyde de carbone.
De plus, l’exploitation du gaz de schiste en particulier est source de risques. En effet, cela pourrait provoquer une fracturation hydraulique, conduisant à :
- une pollution des nappes phréatiques,
- des fuites de méthane importantes,
- des risques sismiques mineurs.
Alors, pourquoi avoir choisi de financer de tels projets ? Sans doute à cause des avantages du gaz naturel :
- Il s’agit de l’énergie fossile la moins émettrice de gaz à effet de serre. Ainsi, 1kWh produit avec du méthane émet 400 grammes de CO2, alors que le pétrole en émet 600 g et le charbon 800 g.
- Il s’agit de l’énergie fossile la moins polluante, comparativement au pétrole et au charbon qui provoquent beaucoup de particules fines.
- Le méthane est facile à extraire, à stocker et à distribuer.
Mais quelles seront les conditions sous lesquelles les projets dans le gaz pourront être financés par les obligations vertes européennes ? Il faudra sans doute attendre encore un peu avant d’en savoir plus.
Finalement, les obligations vertes européennes sont plutôt une bonne nouvelle : Bruxelles démontre ainsi sa volonté de se diriger vers une transition écologique, même en période de crise économique. Si sa décision sur le nucléaire et le gaz peut faire réagir, ces investissements verts permettront, on l’espère, d’accélérer cette transition. Vous avez vous aussi envie d’investir dans des projets à impact écologique ? Tournez-vous vers le crowdfunding vert ou les néobanques écologiques !
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