Les perruches vertes : un fléau pour l’écosystème français ?

Depuis 2018, la présence d’oiseaux exotiques dans les parcs parisiens fait lever beaucoup de têtes vers les arbres et couler beaucoup d’encre. Pour autant, les envahisseuses d’Île-de-France représentent-elles une menace ? Des perruches vertes et des écosystèmes équilibrés en France et dans le reste de l’Europe, est-ce possible ? Faisons le point sur ces perruches invasives et les conséquences de leur installation dans nos contrées en fonction des connaissances actuelles.
Les perruches vertes d’Île-de-France : des origines non naturelles
Il y a encore un demi-siècle en arrière, rien ne laissait supposer que des oiseaux exotiques aux couleurs chatoyantes venus des forêts chaudes et humides investiraient les pays d’Europe. Et pourtant, il est désormais courant d’apercevoir des perruches vertes au bec rouge vif dans la capitale française et aux alentours. On estime à ce jour qu’elles sont au nombre de 10 000 environ en France, dont la moitié se trouve à Paris. Dans la seule ville de Londres, leur population atteindrait les 20 000 individus !
Originaire d’Asie et d’Afrique subsaharienne, cette espèce de perroquet est un oiseau sédentaire. Aussi, sa venue en France ne pourrait être due à une migration. Si l’apparition des perruches vertes a des origines incertaines, on suppose que c’est à la suite de transports en avion que ces oiseaux auraient fait leur nid sur le continent européen. L’explication la plus plausible ? Elles se seraient probablement échappées de leurs cages. Adoptées comme animaux de compagnie, on suppose également que leur libération peut s’expliquer par un geste généreux de la part de certains de leurs propriétaires. On les a observées pour la première fois dans l’Hexagone au cours des années 1970.
La perruche verte est-elle nuisible à l’écosystème français ?
Ce que l’on peut aujourd’hui affirmer avec certitude, c’est que la perruche verte est nuisible… en termes de prolifération. Avec son espérance de vie d’une durée de 30 ans, sa résistance au froid et son large bec gourmand, son taux de mortalité est faible et, ainsi, elle se multiplie à une vitesse stupéfiante. En plus des perruches vertes de Paris, on peut compter celles de Marseille. Elles ne seraient pas moins de 2 000 dans les Bouches-du-Rhône, annonce France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.
La cousine de la perruche verte, la perruche moine d’Amérique du Sud, semble représenter une véritable menace en Espagne. À Séville, après la découverte d’un marché clandestin, 5 500 petits perroquets ont été relâchés dans la nature. On rapporte que les perruches moines de la péninsule ibérique ravagent les cultures, s’accaparent la nourriture des autres espèces d’oiseaux et sont source de pollution sonore en raison de leurs piaillements stridents.
Pour autant, cette espèce est-elle comparable à la perruche verte ?
D’après les observateurs, leur présence ne perturberait pas celle des plus petits volatiles au niveau des mangeoires. Le nombre de passereaux se repaissant demeurerait le même, tandis qu’il diminuerait lors des visites de la tourterelle turque. Or, celle-ci est présente en France depuis les années 1950 sans avoir impacté les écosystèmes.
Qu’en est-il, cependant, de la concurrence avec les autres espèces concernant la nidification ? S’agissant d’un oiseau cavernicole, la perruche verte niche dans des cavités telles que le creux des arbres ou des parois rocheuses. Ainsi, on suppose que les chauves-souris ou les sittelles torchepots se retrouvent parfois prises au dépourvu lorsqu’elles cherchent un endroit où élire domicile pour la reproduction. Il est cependant difficile d’émettre une opinion tranchée sur la question de leur potentielle nocivité à l’heure actuelle.
Une espèce de perroquet envahissante… mais peu menaçante ?
Alors, la perruche verte est-elle nuisible ? Rien n’est moins sûr. À ce jour, aucune étude scientifique n’a pu prouver qu’elle représentait un fléau pour les écosystèmes. Une méta-analyse menée en juillet 2019 par une équipe de scientifiques européens a étudié les impacts socioécologiques des espèces exotiques invasives. 11 espèces de perroquets ont été passées à la loupe, parmi lesquelles figure la perruche verte, également connue sous la dénomination latine psittacula krameri. La conclusion révèle que les preuves scientifiques ne permettent pas aujourd’hui de classer ces oiseaux sur la liste de la Commission européenne comme espèces exotiques envahissantes menaçant la biodiversité. En France, néanmoins, la perruche verte figure sur la liste des « espèces exotiques envahissantes » tout court.
Dans cette méta-analyse, c’est le terme « alien parrots » qui est employé. En anglais, le mot « alien » signifie étranger ou « venant d’ailleurs ». La couleur verte des perruches incriminées ne dénote donc aucunement d’une origine extra-terrestre, bien que l’usage de ce terme dans ce sens soit devenu populaire dans les film et séries de science-fiction. Rien à craindre, cette sous-espèce de perroquet ne risque pas a priori de nuire aux habitants de la Terre comme certaines de ces créatures fictives ! L’expression « invasive alien species » se traduit d’ailleurs par « espèces exotiques envahissantes ».
À Londres, où les populations sont encore 10 fois plus nombreuses qu’à Marseille, on s’est aperçu que la perruche verte avait un prédateur : le faucon hobereau. En effet, ce rapace a été observé en train de chasser ces petits perroquets. Alors, si toutefois la menace devenait finalement réelle, peut-être pourrions-nous prendre nos dispositions pour réguler l’espèce envahissante avec son aide. C’est ce qu’envisage la LPO dans le cas de ce scénario.
Les perruches vertes : finalement, une espèce appréciée ?
La Ligue pour la Protection des Oiseaux assure également que de nombreux habitants des villes d’Europe où les perruches vertes ont élu domicile se réjouissent de cette présence. Avec leur plumage éclatant, leur bec magenta, le collier rose et noir que l’on observe chez le mâle, elles apportent une touche d’exotisme dans les zones urbaines. Les perroquets, d’une manière générale, sont des oiseaux intelligents et sociables.
Cependant, ces capacités cérébrales pourraient les rendre dangereuses si elles s’avéraient être un fléau… Auquel cas, des opérations de lâchers de faucons hobereaux seraient-elles sans doute nécessaires pour juguler l’invasion. D’aucuns apprécient ces colonies dans les villes et encouragent leur maintien. Mais au vu de la vitesse à laquelle les perruches vertes se reproduisent et des conséquences encore méconnues de leur présence sur nos écosystèmes, peut-être est-il plus raisonnable d’éviter en tout cas de les nourrir. En somme, au même titre que les pigeons…
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