Le Plan Climat : succès annoncé ou flop inévitable ?

La Commission européenne a enfin dévoilé son Plan Climat. Cette série de mesures législatives très attendues vise à réduire les émissions de CO2 à l’horizon 2030. Le chiffre à retenir : 55 %. C’est l’objectif ambitieux fixé pour ces réductions. Alors, ce Plan Climat est-il à la hauteur du défi ? Que faut-il en retenir ? On fait le point sur les principaux points chauds de ces mesures.
Les bonnes promesses, mais pas les armes suffisantes
L’envergure du Plan Climat européen est sans précédent. Parmi les mesures phares, on peut citer la fin des ventes de voitures à essence neuves en 2035, les quotas d’émissions de carbone étendus aux secteurs du transport et du chauffage de bâtiments, les taxes sur le kérosène et les mesures incitatives en faveur des énergies renouvelables. Avec pas moins de 14 textes législatifs balayant des domaines extrêmement larges de la société, on peut dire que l’initiative est spectaculaire. Un peu trop spectaculaire ? On ne peut pas s’empêcher de le craindre.
L’Union européenne a décidé de s’imposer en tant que championne de l’environnement et de montrer l’exemple pour ouvrir la voie aux autres grandes puissances. Si ça fonctionne, on peut déjà dire que ce sera l’un des plus gros succès de l’histoire de l’Europe.
Mais il va sans dire que pour montrer l’exemple, il faut être irréprochable. Les promesses du Plan Climat semblent presque irréalisables tant elles sont drastiques. Sans compter que l’on a toujours à l’esprit les échecs successifs des diverses négociations climatiques européennes, ces dernières années. Avec un délai aussi court que celui envisagé ici par la Commission européenne, la marge de manœuvre semble d’autant plus étroite. Agir est nécessaire, se presser n’est donc pas un luxe. Mais la déception sera encore plus grande si les objectifs ne sont pas tenus.
Il n’est pas vraiment question ici de pessimisme, mais plutôt de lucidité, en particulier sur un aspect précis : les outils entre les mains des États membres pour appliquer les mesures. Ce qui ouvre la voie au doute, c’est le fonctionnement même de l’UE : en dehors du marché carbone, qui est uniformisé au niveau européen, c’est aux États que reviennent les compétences en matière de normes, de circuit administratif et de fiscalité. Autrement dit, l’Union européenne décide, mais « refourgue » à ses États membres le fardeau de l’application et le choix de la façon de procéder. Et ces derniers, bien sûr, ne sont pas vraiment heureux de se retrouver avec ce gloubi-boulga entre les mains. Cette absence de cadre commun a déjà été la cause des échecs des mesures monétaires ou en matière d’immigration, par exemple.
Pour résumer, la bonne volonté est de mise, mais les armes pour concrétiser le Plan Climat restent floues. Un peu comme un grand restaurant qui annoncerait à la ronde qu’il a pour ambition d’être le meilleur restaurant du monde, mais qui ne mettrait à disposition de ses cuisiniers que des ustensiles à moitié cassés.
Un risque social ?
Quand on voit l’état de la planète à l’heure où l’on écrit ces lignes, on se dit qu’il est impossible de ne pas se réjouir de décisions aussi fortes que celles annoncées. Pourtant, ce serait réduire le problème du climat à un « pour ou contre le réchauffement climatique », ce qui serait à la fois idiot et totalement faux. Car derrière toute idée faisant l’unanimité d’un point de vue éthique, il y a forcément des obstacles très concrets qui rendent l’application plus compliquée qu’elle n’en a l’air.
En ce qui concerne le Plan Climat, ce qui risque de faire dérailler les choses, ce sont les inégalités sociales. Ou plutôt les inégalités sociales liées aux enjeux financiers. En effet, comme pour toute mesure coup de poing, la « meilleure » façon de valider rapidement les objectifs fixés, c’est d’instaurer des pénalités en cas de non-respect. Si l’on prend l’exemple des quotas carbone pour le transport et le chauffage, on peut imaginer que les fournisseurs de carburant et de fioul vont répercuter les éventuelles sanctions financières sur le coût de le
urs produits. Les premiers touchés seront ainsi les citoyens les plus précaires qui ne peuvent pas opter pour une solution de transport plus verte ni améliorer l’isolation de leur logement.
Le risque est simple à mesurer : une telle situation creuserait davantage les divisions sociales et renforcerait le sentiment d’inégalité entre les classes. Une occasion rêvée pour les populistes, qui pourraient jouer sur une vague « anti-écologie » pour appuyer leurs arguments. N’oublions pas que la crise des Gilets Jaunes a commencé avec la hausse de la fiscalité énergétique…
La Commission européenne semble être parfaitement lucide sur ce point : tous les responsables européens martèlent d’ailleurs leur volonté de justice sociale dans l’application du Plan Climat. Mais en parler n’en fait pas automatiquement un plan juste, il faudra faire les choses avec précaution pour ne pas provoquer une vague de protestations.
Y a-t-il une personne satisfaite dans l’avion ?
Les ONG environnementales et associations en faveur de l’égalité sociale craignent les retombées dramatiques des quotas d’émissions carbone sur les ménages fragiles.
Les États membres grognent devant la difficulté d’application du Plan Climat et les délais extrêmement courts.
Les compagnies aériennes et les constructeurs automobiles enragent devant la taxe sur le kérosène et la mort annoncée des voitures thermiques.
Est-ce que ça doit nous dire quelque chose ? Pas vraiment. On sait que tout changement implique des décisions qui pénaliseront certains ou qui nécessiteront des adaptations auxquelles personne ne veut se plier. C’est d’autant plus vrai en France, championne toutes catégories de la contestation.
Reste à espérer que l’Union européenne tiendra bon, car qu’on ait envie ou non de faire des efforts, la course contre la montre pour l’environnement a déjà largement commencé.
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