Pour dépolluer les océans, une seule solution viable

Des solutions de nettoyage innovantes voient le jour régulièrement pour remédier à la pollution des océans. Mais en définitive, une seule pourra mettre fin durablement à ce fléau.

Si les solutions pour dépolluer les océans – dont certaines semblent prometteuses – se multiplient, rien ne pourra remplacer une prise de mesures drastiques. Celles de réduire la production de déchets et substances toxiques au niveau mondial. Pour ce faire, l’ensemble de l’humanité devra s’engager vers des modes de consommation plus raisonnés. Mettre un terme à la surproduction, encadrer voire interdire l’usage de certains produits de synthèse, favoriser le durable et le biodégradable… Autant d’actions qui permettraient enfin aux océans de retrouver une bonne santé. Et du même coup, les écosystèmes pourraient refleurir et l’humanité perdurer.

Traiter le problème à la racine pour dépolluer les océans définitivement

Des moyens ingénieux inventés dans le but de dépolluer les océans commencent à émerger depuis que les ONG et la communauté scientifique ont mis en évidence le problème. Aussi louables (et même nécessaires) soient ces initiatives et inventions, elles ne peuvent constituer des solutions à long terme. D’abord, le coût financier serait exorbitant pour retirer régulièrement tous les déchets générés par l’activité humaine chaque jour. Ensuite, même avec toute la volonté et tous les moyens techniques et pécuniaires du monde, ces actions ne pourraient suivre le rythme de production des déchets. Retirer ne serait-ce que l’ensemble des détritus et rejets de produits de synthèse qui contaminent aujourd’hui la vaste étendue d’eau salée représentera déjà un travail de fourmi. Ceci est d’autant plus vrai que la pollution ne fait que s’accroître de jour en jour au sein du poumon bleu de la Terre.

Afin d’en finir avec la pollution océanique, il nous faudra traiter le problème à sa source, estiment les chercheurs du CNRS Jean-François Ghiglione, Françoise Gaill et Hélène Budzinski. Cela passera par la mise en place d’une série d’actions de la part des autorités combinée à des gestes appliqués à plus petite échelle par la population au quotidien. Depuis la loi du 10 février 2020, la distribution et la vente d’un certain nombre d’objets en plastique à usage unique a été progressivement interdite en France. Au 1er juillet 2021, sont concernés les pailles, les assiettes en plastique ou partiellement constituées de cette matière, les gobelets et les confettis. Un amendement au projet de loi antigaspillage vise également à supprimer la mise sur le marché d’emballages plastiques d’ici l’an 2040. Mais cet ensemble de mesures gouvernementales suffira-t-il à sauver la planète alors que le temps nous fait défaut ? Dans le même temps, le mouvement zéro déchet prend doucement de l’ampleur, mais ce mode de consommation responsable est encore bien loin de représenter la norme.

En attendant le réveil des consciences, quelles solutions pour dépolluer les océans ?

En attendant un « déclic » collectif, il est en tout cas nécessaire de réparer le mal déjà fait et de dépolluer les océans au moyen de solutions diverses.

Une ambition colossale : The Ocean Cleanup

Parmi les actions menées dans le but de sauver les océans, on trouve notamment l’initiative The Ocean Cleanup, une organisation fondée par le Néerlandais Boyan Slat. Le projet consiste à récolter un maximum de déchets océaniques flottants présents sur la surface du globe à l’aide d’une gigantesque barrière étendue sur 600 mètres. Le premier essai, effectué au large de San Francisco, s’est hélas soldé par un échec : une section large de 18 mètres du dispositif s’est rompue après 4 mois. Pour autant, Boyan Slat ne s’est pas avoué vaincu. Lors de cette première opération, le barrage flottant avait déjà récolté plus de 2 000 kg de déchets plastiques à la surface du Pacifique. Après quelques améliorations techniques, le Néerlandais et son équipe ont relancé le système. Dès juin 2019, un déploiement au sein du vortex de déchets du Pacifique Nord (The Great Pacific Garbage Patch) a permis de ramasser les premières tonnes de déchets. L’objectif de grande envergure de The Ocean Cleanup est de débarrasser les océans de 90 % du plastique présent en leur surface.

Ramasser les déchets océaniques au niveau local

D’autres démarches à plus petite échelle sont régulièrement entreprises depuis les années 2010. Deux surfeurs australiens, Peter Ceglinski et Andrew Turton, ont mis au point la Seabin, qui signifie « poubelle de mer ». Ce contenant flottant aspire sur son passage les déchets avec l’aide des courants marins. Mais ce n’est pas tout. La Seabin absorbe aussi les hydrocarbures, qu’elle transmet par un tuyau à une pompe séparatrice, où l’eau sera purifiée avant d’être rejetée en mer. Cet ingénieux système vise à dépolluer les bords de mer et les lacs. On fixe la Seabin sur le pied des pontons où elle effectue son travail en toute autonomie. Cette poubelle est par ailleurs inoffensive pour la faune marine. Elle crée des courants peu engageants pour les poissons, qui les découragent de s’aventurer près d’elle.

Pendant ce temps, en Inde, le pêcheur Peter Mathias, las de récolter plus de plastique que de poissons dans ses filets, a décidé de demander de l’aide aux autorités. La ministre de la Pêche J. Mercykutty Amma, en faveur d’une initiative pour dépolluer les océans, a réuni cinq organismes gouvernementaux, qui ont accepté de financer la création d’un centre de recyclage. Depuis, une équipe de 30 femmes employées au sein de ce centre ont pour tâche de laver et de trier les déchets plastiques collectés par les pêcheurs.

Les aides du gouvernement couvrent le salaire de ces femmes, qui, par ailleurs, peinaient à trouver un emploi. Depuis, quelques villages voisins ont décidé de lancer leurs propres programmes de recyclage sur ce modèle. Peter Mathias espère que ces initiatives se multiplieront à travers toute l’Inde et même le monde entier. Et certains pays d’Europe du Nord suivent effectivement le mouvement. Depuis 2009, une action similaire appelée Fishing For Litter a été mise en place au Royaume-Uni, en Suède, dans les îles Féroé et aux Pays-Bas.

Des bactéries assoiffées de pétrole pour nettoyer les océans

De leur côté, des chercheurs étudient la possibilité d’utiliser des bactéries pour dépolluer les océans. En effet, on a pu observer que des colonies se développaient sur les déchets plastiques marins. Certaines de ces bactéries sont capables de dégrader les microplastiques grâce à un enzyme. Malheureusement, leur temps d’action est bien trop lent par rapport au rythme de production de déchets liée à l’activité humaine. Cependant, une idée semblable, plus prometteuse, est en cours d’expérimentation : les bactéries mangeuses d’hydrocarbures. Les scientifiques ont relevé qu’en nourrissant ces micro-organismes de phosphore et d’azote, on stimulait leur soif de pétrole. Si un jour ce procédé venait à se généraliser, on pourrait espérer diminuer l’impact des hydrocarbures dans les océans de manière efficace et écoresponsable. Pour l’heure, les autorités ne se détournent pas de leurs habitudes et préfèrent avoir recours à des produits chimiques (toxiques pour les écosystèmes marins) pour disperser les marées noires…

Pourquoi un nettoyage des mers est-il nécessaire ?

Nécessaire… et même crucial ! Les océans génèrent environ 50 % de l’oxygène que nous respirons. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on les nomme « le poumon bleu de la planète ». Les deux sources principales de la pollution océanique sont le plastique et les produits de synthèse. Les conséquences de ces invasions de corps étrangers sont loin d’être anodines.

Le plastique, catastrophe notoire

Des emballages alimentaires aux microbilles dans les gels douche, le plastique est omniprésent dans notre vie quotidienne sous diverses formes. Nous produisons plus de 300 millions de tonnes de cette matière par an, dont 8 à 12 tonnes finissent leur course dans les océans. Aujourd’hui, on estime que toutes les zones du globe et toutes les profondeurs marines sont touchées. Le désastre le plus spectaculaire est la formation de continents de plastique. Au milieu des océans, se trouvent des gyres océaniques, ces points de rencontre de différents courants marins qui forment des tourbillons… dans lesquels s’accumule une effroyable quantité de détritus plastiques. Le plus important est le fameux 7e continent, un titanesque vortex de déchets situé entre Hawaï et la Californie.

Ces fragments de plastique sont souvent confondus avec de la nourriture par la faune océanique. Les oiseaux marins en prennent certains pour des poissons, les tortues en prennent d’autres pour des méduses… Les substances et additifs qui composent le plastique ne peuvent être digérés, mais celui-ci bouche les voies digestives des habitants des mers et peut également causer une asphyxie. Dans les deux cas, c’est la mort qui s’ensuit. En outre, les microparticules de plastique qui s’échappent des déchets véhiculent de nombreuses bactéries et micro-algues, qu’elles transportent sur de longues distances, altérant ainsi les écosystèmes. Ces véritables éponges absorbent également d’autres substances délétères, tels que les métaux lourds. Des virus peuvent également y être stockés.

Les hydrocarbures et polluants invisibles

En plus du plastique, les océans sont aussi en proie à une autre pollution plus insidieuse : les divers rejets de produits de synthèse. Parmi la liste, on compte les engrais, les pesticides, les médicaments, les détergents, les cosmétiques… et bien entendu, les hydrocarbures. Selon le cas, ces composés chimiques, qui n’ont rien de naturel, sont des perturbateurs endocriniens ou contiennent des molécules potentiellement dangereuses pour les écosystèmes. Les produits agricoles causent la prolifération de microalgues toxiques. Les produits pharmaceutiques contiennent du mercure, élément toxique pour le système nerveux.

La durée de vie de ces substances chimiques est longue, ce qui les rend absorbables (et absorbés) par de nombreux organismes marins durant de nombreuses décennies. Les PCB, par exemple, qui ont été interdits dans de nombreux pays (en 1987 pour la France) sont pourtant toujours présents dans les corps des animaux marins… dont les poissons que nous consommons. Le PCB est un retardateur de flammes qui a été massivement utilisé au cours du siècle dernier. En somme, 80 % de la pollution est d’origine terrestre. La chaîne alimentaire fait son chemin jusqu’à nos assiettes… et la contamination est un cycle sans fin.

Aux côtés de la pollution des océans, le problème de la surpêche

Parallèlement à la lutte contre la pollution des océans, reste aussi celle contre la surpêche. Selon la FAO, la moitié des populations de poissons avait déjà été pêchée en 1996, en l’espace de 40 ans ! Ce pillage effréné entraîne une rupture de l’équilibre des écosystèmes, et risque de donner lieu à une insécurité alimentaire pour des millions d’être humains dans les années à venir. À la capture massive d’espèces destinées à la consommation viennent s’ajouter les prises accessoires, la saisie involontaire de cétacés et tortues géantes. Ceux-ci finissent généralement étouffés par les mailles des filets ou sinon asphyxiés, faute de temps pour remonter à la surface inspirer de l’air.

Cesser les abus est d’autant plus décisif que les filets de pêche abandonnés dans les fonds marins, les « filets fantômes », constituent une source de pollution et des pièges supplémentaires pour les habitants des mers… Pour continuer à manger du poisson, il faudrait laisser le temps à ces animaux aquatiques de se reproduire. Pour que notre poumon bleu demeure en bonne santé, il faudrait préserver la biodiversité marine. Une fois encore, une seule solution viable : l’urgence est d’adopter une consommation plus raisonnable.

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