Rapport Meadows, l’état des lieux 50 ans plus tard

En mars 1972 sortaient le rapport Meadows et ses scénarios alarmants sur l’avenir de notre civilisation. À cette période, le livre avait connu un succès retentissant, mais de courte durée, compte tenu du manque d’intérêt de la société de l’époque pour les préoccupations écologiques et environnementales. Rééditée et publiée le 3 mars de cette année, la nouvelle version du rapport reste tout aussi pessimiste quant à l’effondrement de la croissance. Dennis Meadows, l’un des coauteurs du livre, est membre du Club de Rome, un groupe de réflexion qui s’interroge sur des problématiques écologiques, politiques et économiques qui concernent les différentes sociétés du monde. Pour les 50 ans du rapport Meadows, le professeur fait part de son point de vue sur la situation actuelle et future du monde, en annonçant que le « le déclin de notre civilisation est inévitable ».
Les Trente Glorieuses ou l’utopie d’une croissance économique illimitée
Faisons tout d’abord un bond dans le passé afin de mieux comprendre le contexte historique du monde à la fin des années 1960. Nous sommes à l’apogée des Trente Glorieuses, les pays développés connaissent un développement économique considérable et des industries qui produisent toujours plus. Le baby-boom, débuté il y a une quinzaine d’années, crée une importante croissance démographique. Face à l’augmentation significative de la consommation et des besoins de la population, les ressources naturelles sont de plus en plus exploitées.
À cette époque, la société rêve d’abondance et de croissance illimitée. Pourtant, les premiers constats sur les conséquences écologiques de la croissance démographique et économique apparaissent. On entend alors parler de catastrophisme écologique, avec des universitaires tels que Paul Ehrlich ou Barry Commoner, qui développent des théories alarmistes sur les catastrophes environnementales à travers leurs écrits. Tandis que le premier dénonce une croissance démographique trop importante, le second met en lumière l’utilisation excessive des nouvelles technologies qui polluent et détruisent peu à peu notre monde.

En parallèle, les débats concernant une future crise planétaire sont de plus en plus présents à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), une organisation d’études économiques qui regroupe différents représentants de pays démocratiques.
Son directeur scientifique de l’époque, Alexander King, fait la connaissance d’Aurelio Peccei, un industriel italien notamment connu pour ses conférences sur les problématiques économiques mondiales. Avec d’autres membres de l’OCDE et plusieurs experts dans les domaines de l’économie, des statistiques, des sciences et de la politique, ils fondent le Club de Rome en 1968. Quelques années plus tard, afin d’appuyer leurs théories sur l’avenir de la civilisation, ils décident de commander une étude scientifique.
1972 : une prise de conscience écologique comme préambule au rapport Meadows
Au début des années 1970, Aurelio Peccei rencontre Jay W. Forrester, scientifique et professeur au MIT (Massachusetts Institute of Technology). Jay W. Forrester est connu pour son modèle informatique World2 qui vise à montrer les limites de croissance économique, notamment à cause de la quantité limitée de ressources et d’énergie. À la demande du Club de Rome, Jay W. Forrester accepte de développer, avec l’aide de quelques collègues et d’étudiants du MIT, un nouveau modèle mathématique plus complexe. Parmi les étudiants se trouvent Dennis Meadows, ainsi que son épouse, Donnella Meadows.
L’équipe scientifique développe World3, un modèle informatique capable de générer 12 scénarios sur l’évolution de la civilisation entre 1900 et 2100. Construit à l’aide de statistiques réelles et de théories basées sur l’évolution de l’économie et de la démographie, le modèle simule, entre autres, la croissance industrielle, l’évolution des écosystèmes et la raréfaction des ressources naturelles.
En 1972, le rapport de l’étude est livré au Club de Rome et publié. En France, le livre est rendu public sous le titre Les Limites de la croissance (dans un monde fini). Il reste néanmoins plus connu sous le nom de rapport Meadows, du nom de deux de ses coauteurs, le couple Meadows.
La publication du Club de Rome et son succès mitigé
Le constat est clair : la croissance infinie dans un monde fini est une illusion. Si la croissance démographique et la croissance économique continuent à augmenter, les ressources naturelles finiront par se tarir, ce qui engendrera un effondrement de notre société, avec des guerres, des épidémies et des crises alimentaires. Les résultats moyens de l’étude, notamment ceux du scénario médian Business as Usual, montrent que le monde dispose d’un délai de 50 à 100 ans avant de subir un manque drastique de ressources telles que l’eau, le pétrole ou les minerais.
L’objectif de ce rapport était non seulement de sensibiliser les populations sur les dangers de la société de consommation, mais aussi d’avertir les dirigeants afin que ceux-ci envisagent de canaliser la croissance économique.

Au moment de sa sortie, le rapport Meadows connaît un grand succès. Néanmoins, ce dernier est comparable à un feu de paille : intense et bref. En effet, les dirigeants politiques et économiques de cette période avaient les yeux rivés sur une croissance économique toujours plus importante, au sein d’une population prête à consommer toujours plus. Qu’en est-il de la situation aujourd’hui ?
Le bilan, 50 ans après le rapport Meadows
Depuis 1972, le rapport Meadows a connu plusieurs mises à jour, avec une nouvelle réédition en français cette année. Il a été critiqué et commenté à de nombreuses reprises, par exemple par Jean-Marc Jancovici au début des années 2000. Selon Dennis Meadows, « l’effondrement a déjà commencé ». Certaines régions du monde sont d’ores et déjà impactées par ce déclin, comme le Sahel et sa désertification progressive. La pollution de l’eau est de plus en plus importante, le pétrole se raréfie, la sécheresse fait des ravages du côté de l’Afghanistan et de la Somalie.
Même si la situation est plus dramatique qu’il y a 50 ans, tout n’est pas perdu. Pour faire face à cet effondrement, la population mondiale doit s’adapter. L’un des scénarios générés par World3, Stabilized World, annonce un ralentissement de la croissance, sans aller jusqu’à l’effondrement. Dans ce futur hypothétique où l’humanité réussit à limiter la croissance économique, un équilibre pourrait se créer aux alentours de 2050, avec une stabilisation de la croissance démographique, du développement industriel et une baisse significative de la pollution.
Pour que l’avenir nous conduise à une société durable, de gros efforts sont à fournir de la part des décideurs politiques et économiques du monde entier. Il est urgent de réduire notre dépendance aux ressources naturelles et aux énergies fossiles pour se tourner vers des ressources vertes et des énergies renouvelables. Il est également primordial de diminuer la pollution en limitant les transports et en privilégiant les circuits courts au niveau des échanges commerciaux. Espérons que les choses évoluent en ce sens, notamment avec le futur programme de la COP 27 qui se déroulera prochainement.
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