Remplacer les engrais de synthèse : bientôt des solutions ?

Les engrais de synthèse figurent parmi les plus grands facteurs responsables de la pollution des eaux et de l’appauvrissement des sols. Toutefois, des alternatives commencent à émerger tout doucement.
Des solutions pour remplacer les engrais de synthèse
Pour lutter contre la pollution environnementale des eaux et des sols, de nouvelles solutions voient le jour. D’autres, déjà existantes depuis plusieurs siècles, refont surface.
Des méthodes naturelles pour remplacer les engrais chimiques
Le compost et le fumier sont des solutions ancestrales qui font leur grand retour aujourd’hui au sein des petites exploitations pour remplacer les engrais de synthèse. Outre ces méthodes multiséculaires, on trouve désormais dans le commerce des engrais organiques composés d’ingrédients entièrement naturels. À base de corne, de laine de mouton, d’algues marines, de mélasse ou encore d’os et d’arêtes de poisson, ils se présentent sous forme solide ou liquide. Naturellement riches en azote ou en phosphate, ils fonctionnent sur le même principe que les engrais de synthèse. En effet, ces derniers sont un concentré d’azote, de phosphate ou de potassium, éléments chimiques nécessaires à la croissance des végétaux.
Une autre solution simple pour assurer la pousse des plantes consiste à utiliser le système des polycultures. Depuis plusieurs décennies, l’agriculture intensive favorise les monocultures. Or, une même espèce de plante étendue sur plusieurs hectares attire davantage l’attention des insectes ravageurs et permet une propagation des maladies plus importante. À l’inverse, alterner différentes espèces ou variétés sur plusieurs lignes au sein d’une culture limite grandement ces problèmes, ce qui augmente le rendement de manière considérable. De plus, il a été observé que le compagnonnage de plantes (association d’espèces spécifiques entre elles) était bénéfique notamment pour l’enrichissement des sols et la protection mutuelle contre les ravageurs.
Un engrais organique qui entend révolutionner l’agriculture
Une start-up américaine nommée Pivot Bio a mis au point une nouvelle forme d’engrais liquide entièrement naturel. Cette alternative aux engrais de synthèse utilise les probiotiques pour stimuler la croissance des plantes. Ces micro-organismes, présents dans les racines de certains végétaux, sont capables de fixer l’azote atmosphérique. L’azote est une source d’acides aminés et de protéines essentielle aux plantes et sa concentration est plus importante dans les airs que dans les sols. Or, la majorité des végétaux ne peut absorber que celui qui est présent dans les sols, et non dans les airs… excepté celles qui sont pourvues des probiotiques en question. C’est le cas des légumineuses telles que les lentilles, les pois ou la luzerne.
L’idée est donc de récupérer ces micro-organismes présents dans les légumineuses et de les déverser dans les sillons des cultures de blé, de maïs, de soja et autres plantes normalement incapables de fixer l’azote atmosphérique. Ainsi épandus, ces probiotiques créent une liaison avec les racines des plantes afin de leur permettre d’absorber l’azote.
Avec sa forme liquide, cet engrais écologique est proche de l’engrais azoté habituellement utilisé dans l’agriculture, mais il s’en démarque par sa composition saine et parfaitement naturelle. Et ses qualités ne s’arrêtent pas là. Contrairement aux engrais de synthèse, l’engrais de Pivot Bio n’est pas lessivé par le passage des pluies. Il n’est donc nécessaire de l’épandre qu’une fois par saison. Un gain de temps et d’argent considérable qui donne confiance à Kasten Temme, le P.-D.G. de la start-up. Celui-ci assure que les engrais chimiques sont voués à disparaître dans les années à venir. Pour l’instant, son produit n’est destiné qu’aux cultures de maïs, mais d’autres versions sont en cours de développement.
Engrais azotés : des conséquences importantes sur les eaux et la santé humaine
L’usage des engrais chimiques, aujourd’hui généralisé, est néfaste pour les sols, les eaux, les écosystèmes et la santé humaine. L’acidification des sols qu’il génère nuit à leur fertilité et à la biodiversité, car il en modifie la composition et met à mal leur stabilité. L’une des plus lourdes menaces issues des engrais qui pèse sur l’environnement est le nitrate.
Le nitrate est un composé chimique naturel présent dans l’azote et l’oxygène. Habituellement inoffensif, il sert de nourriture aux plantes, mais en trop grande quantité, il devient dangereux pour l’environnement. Or, la quantité de nitrates déversée lors de l’épandage sur les cultures est nécessairement plus importante que ce que peuvent absorber les plantes. Alors, remarquablement solubles dans l’eau, les nitrates s’infiltrent dans les nappes souterraines, puis se propagent dans les eaux de pluie, celles du robinet et jusque dans les mers. La part de responsabilité de l’agriculture dans les rejets de nitrates dans les eaux s’élève à 66 %.
Lors du passage des nitrates dans les fleuves, ils entraînent la prolifération d’algues vertes et de micro-organismes : la nourriture qu’ils constituent pour ces espèces leur permet de se développer de manière excessive. On appelle ce phénomène l’eutrophisation. Tandis que les algues vertes pullulent, les poissons et crustacés, à l’inverse, sont victimes d’une hécatombe. En effet, ces plantes parasites sont gourmandes en oxygène, au point d’en priver les animaux aquatiques. On appelle « zones mortes » ces eaux devenues irrespirables.
Ces invasions d’algues – ou « marées vertes » – sont régulièrement observées en Bretagne. En outre, ces algues invasives représentent également un danger pour les humains et animaux terrestres une fois échouées sur les plages. Des bactéries viennent effectuer un travail de décomposition sur ces végétaux, transformant leurs sulfates en sulfure d’hydrogène, un gaz létal. Il suffit alors de marcher sur une algue verte en décomposition pour qu’une bouffée s’en échappe, et l’inhalation de ce gaz peut être mortelle. De tels accidents se sont déjà produits sur le littoral breton [1].
Le nitrate en lui-même ne présente pas de danger pour un organisme humain. Cependant, une fois ingéré, son contact avec les bactéries buccales le transforme en nitrite. Or, les effets des nitrites sur la santé sont potentiellement dangereux, voire mortels. Ils provoquent notamment la maladie dite du « sang bleu ». Empoisonnant le sang, les nitrites oxydent l’hémoglobine, ce qui empêche l’oxygène de venir s’y fixer… Une mort par asphyxie peut s’ensuivre. Les nourrissons sont particulièrement sensibles à cette maladie.
Les engrais de synthèse : définition et histoire
On appelle « engrais de synthèse » un engrais réalisé à partir d’une réaction chimique. La forme la plus répandue aujourd’hui est l’engrais azoté. L’azote est un élément chimique naturellement présent dans les sols. On le trouve notamment dans l’humus. Les plantes se nourrissent principalement de protéines (hors photosynthèse) qu’elles absorbent au moyen de leurs racines. L’azote représente l’une des principales sources de ces protéines.
Au début du XXe siècle, en raison de la croissance démographique, le chimiste allemand Fritz Haber cherchait un moyen d’augmenter le rendement des cultures. L’azote risquant de devenir insuffisant dans les sols, il a utilisé celui présent dans l’air et l’a combiné avec de l’hydrogène afin de le rendre consommable par les plantes. La première tonne d’ammoniac de synthèse a ainsi été produite pour la première fois en 1909. Depuis, l’ammoniac constitue la base de tous les engrais azotés chimiques. 130 millions de tonnes de ce gaz sont produites chaque année pour cet usage, dont 3,7 millions sont utilisées par l’agriculture française.
Ces recherches partaient d’une bonne intention. On ignorait alors l’impact qu’auraient les engrais de synthèse à long terme sur l’ensemble de la planète…
Un projet de loi vise à interdire les engrais de synthèse d’ici 2027
Un amendement, actuellement en examen au Sénat, vise à interdire l’usage des engrais de synthèse… dans les domaines non agricoles uniquement. Toutes les structures ainsi que les espaces publics et privés seront désormais en infraction s’ils utilisent ces produits. Si ce projet de loi est validé, son application s’étalera entre 2024 et 2027.
Cependant, les acteurs professionnels dans le milieu sportif devraient pouvoir bénéficier d’une dérogation en cas d’efficacité insuffisante des engrais de composition naturelle. Ce sera notamment le cas pour l’entretien des gazons sportifs de compétition. En définitive, l’interdiction concernera surtout les espaces verts et jardins à vocation décorative, qu’ils soient publics ou privés. La mise sur le marché, l’usage et même la détention d’engrais de synthèse pour ces zones représenteront un délit.
En sachant que l’engrais de synthèse, dans son écrasante majorité, est utilisé dans le domaine agricole, son usage a encore de beaux jours devant lui… À moins que l’alternative des probiotiques, par exemple, ne finisse par le supplanter.
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