Tortue de Floride : comment ravage-t-elle l’écosystème français ?

Qui n’a pas déjà observé, dans un étang d’un de nos parcs français ou dans un aquarium, cette tortue avec la tête « peinturlurée » de rouge ou de blanc ? Présente sur tout le territoire français, ainsi que dans d’autres pays européens tels que la Suisse ou encore sur le bassin méditerranéen, la tortue de Floride donne du fil à retordre aux conservateurs de la biodiversité française. Pourquoi est-elle considérée comme une espèce invasive ? Quelles sont les conséquences écologiques de sa présence en Europe ? Coup de projecteur sur la tortue de Floride qui fait des ravages au sein de l’écosystème français.
Tortue de Floride : faisons connaissance…
À quoi ressemble la tortue de Floride ?
Il existe plusieurs sortes de tortues de Floride (Trachemys scripta de leur nom scientifique). Toutefois, elles sont toutes aquatiques et ont donc toutes des pattes palmées. Les deux principales espèces que l’on retrouve dans nos rivières et étangs sont :
- la tortue avec une tache rouge au niveau de la tempe,
- la tortue avec des rayures blanches sur la tête (on les appelle aussi les « tortues peintes ».
Le dessous de leurs carapaces est jaune et taché de noir ou de vert foncé. Les bébés des tortues de Floride ne mesurent que quelques centimètres seulement, alors que les adultes peuvent atteindre jusqu’à 25, voire 30 centimètres.
D’où arrive donc la tortue de Floride ?
Comme son nom l’indique, la tortue de Floride se trouve… en Floride, mais pas seulement. En réalité, on la retrouve aujourd’hui dans tout le sud-est des États-Unis, aussi bien dans les Appalaches que dans le Mississippi, l’Illinois et même jusqu’au golf du Mexique.
Dans quels milieux vit-elle ?
La tortue de Floride vit dans les étendues d’eau douce ou dans l’eau saumâtre (qui est un peu plus salée que l’eau douce, mais pas autant que l’eau de mer). Elle se plaît dans toutes les zones humides, telles que les rivières et cours d’eau, les lacs, les étangs, les lagunes ou encore les marécages.
Que mange la tortue de Floride ?
Les bébés tortues de Floride sont à 90 % carnivores. Ils mangent principalement des insectes, des larves d’insectes, des petits poissons ou bien leurs œufs, et de temps en temps quelques végétaux.
En grandissant, ces tortues aquatiques deviennent omnivores. Elles se régalent avec des larves de batraciens, de jeunes poissons, des escargots et toutes sortes d’insectes. À l’âge adulte, elles consomment principalement des poissons et des batraciens.
La tortue de Floride a-t-elle un prédateur ?
Eh bien, la réponse est : « cela dépend » ! Aux États-Unis, oui. Le principal prédateur de la tortue de Floride est le trapu et dangereux alligator d’Amérique (Alligator Mississippiensis, de son nom biologique). Celui-ci mange aussi bien les tortues que leurs œufs. Ce qui a pour conséquence une régulation naturelle de la population des tortues et, par conséquent, le maintien d’un équilibre au sein de l’écosystème.
Malheureusement – ou heureusement ! –, à part dans les légendes urbaines, nous n’avons pas encore d’alligators sauvages dans nos rivières françaises. À part quelques prédateurs opportunistes, tels que le goéland argenté, la tortue de Floride se retrouve donc en haut de sa chaîne alimentaire. Elle se reproduit à vitesse grand V et sa population ne peut pas être régulée de manière naturelle dans nos cours d’eau.
Pourquoi y a-t-il des tortues de Floride dans les rivières et étangs français ?
Un commerce à grande échelle
Pour répondre à cette question, il faut revenir quelques décennies en arrière. Dans les années 1990, la tortue de Floride a été commercialisée à grande échelle en Europe. Des fermes d’élevage de cette espèce de tortue ont poussé comme des champignons aux États-Unis et en Europe pour répondre à la demande grandissante des particuliers. Quelque 52 millions de tortues ont été vendues en même pas dix ans !
En France, il y a eu un gros effet de mode et un important engouement pour ces tortues, qui étaient vendues, bébés, comme animaux de compagnie. Avec leurs quelques centimètres, elles attendrissent rapidement toute la famille ! L’Hexagone est devenu le plus gros importateur de ces animaux avec près de 4 200 000 tortues importées en l’espace de 9 ans.
Finalement trop encombrante, on s’en débarrasse
Les bébés tortues de Floride étaient vendus en « pack » avec un bac en plastique transparent de quelques dizaines de centimètres. Au centre de ce bac se trouvait un petit escalier qui menait à un mini-palmier. Quoi de plus mignon pour faire craquer les enfants ? Et évidemment, une tortue toute seule, ça peut s’ennuyer, alors on en achète deux, c’est mieux. Le pire, c’est que ces tortues juvéniles étaient vendues par les animaleries comme des tortues naines ! Et une tortue naine, a priori, ça ne grandit pas, ou très peu.
Mais au fil des années, les bébés tortues ont grandi. Pouvant atteindre jusqu’à 30 centimètres, elles sont devenues trop grandes pour le petit bac. Il fallait remplacer ce dernier par un aquarium plus grand, plus équipé, plus cher et qui demandait davantage d’entretien. C’est à partir de ce moment-là que des tortues de Floride adultes ont commencé à être relâchées dans la nature.
L’impact des tortues de Floride sur l’écosystème français
Une tortue particulièrement agressive
Cette tortue s’est très bien acclimatée dans certaines régions chaudes et humides d’Europe. C’est le cas principalement en France, en Suisse et sur le pourtour méditerranéen. En effet, sa rapide adaptation au climat et l’absence de prédateurs naturels ont favorisé sa prolifération. De plus, sans prédateur, cette tortue peut vivre jusqu’à 60 ans !
Les principaux problèmes que pose la tortue de Floride, chez nous, sont surtout son grand appétit et son agressivité. Elle dévore tout sur son passage. Elle peut s’attaquer aux poissons, aux amphibiens et aux autres reptiles qui deviennent alors des espèces sous pression. Des cas d’attaques de tortues de Floride sur des tortues aquatiques endémiques ont même déjà été observés.
Des espèces menacées par la voracité de la tortue de Floride
Dans certaines régions, où la tortue de Floride a fortement proliféré, elle crée des tensions au sein de l’écosystème local. Un déséquilibre se développe alors au niveau de la chaîne alimentaire. Lorsque le lieu où elle s’est implantée est trop petit pour accueillir une population importante, des espèces d’amphibiens ou d’autres reptiles peuvent même être complètement éradiqués par les tortues de Floride qui les dévorent.
La Cistude en voie d’extinction à cause de la Tortue de Floride
Dans certains écosystèmes, la tortue d’Amérique entre en concurrence directe avec d’autres espèces de tortues autochtones.
Pour te donner un exemple concret, sur notre territoire français, il existe une espèce endémique de tortues aquatiques qui se trouve avoir un grand nombre de points similaires à la tortue de Floride.
Il s’agit de la Cistude, aussi appelée « tortue d’Europe ». Leur cadre de vie et leur régime alimentaire sont exactement les mêmes. Avec la prolifération rapide de la tortue de Floride, la Cistude a vu son territoire envahi par cette dernière. S’ajoute à cela la diminution de la quantité de nourriture pour la tortue d’Europe, étant donné le grand appétit de la tortue d’Amérique.
1997 : l’UE déclare la tortue de Floride comme invasive
En 1997, l’Union européenne (UE) a reconnu que l’introduction de cette espèce représentait une « menace écologique pour les espèces de faune et de flore sauvage de la Communauté ».
Sa commercialisation a finalement été interdite par l’UE cette année là. Malheureusement, aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui se procurent ces animaux invasifs sur le marché noir.
Paradoxalement, en 2012, la population de la tortue de Floride a été déclarée comme étant en déclin et menacée d’extinction aux États-Unis. En cause ? Entre autres, la surexploitation pour l’aquariophilie ! C’est le monde à l’envers ! On peut facilement se rendre compte de l’absurdité du commerce animalier… Toutefois, chacun à son échelle peut agir pour participer au ralentissement de la prolifération des tortues de Floride.
Que faire quand on trouve une tortue de Floride ?
Prévenir un centre de récupération
En effet, plusieurs centres de récupération de ces reptiles ont vu le jour en France. Si vous êtes propriétaire d’une tortue de Floride et que vous souhaitez vous en séparer, il est préférable de la confier à l’un de ces centres au lieu de la relâcher dans la nature.
Si, au cours de vos promenades, vous tombez sur un spécimen qui se dore la pilule au milieu d’un étang, n’hésitez pas à appeler le centre de récupération le plus prêt. Si vous en avez la possibilité, le mieux est de récupérer le plus rapidement possible la tortue et de la mettre dans un bassin en attendant l’intervention des professionnels (qui sont d’ailleurs souvent des bénévoles).
Liste de centres de récupération des tortues de Floride
Voici quelques lieux qui récupèrent les tortues de Floride. Cette liste est non-exhaustive, n’hésitez pas à faire vos recherches pour trouver le centre le plus proche de chez vous :
- en Île-de-France : la Maison de la pêche et de la Nature ;
- dans le département de la Mayenne : le Refuge de l’Arche ;
- à Lyon : le Jardin zoologique du Parc de la tête d’Or ;
- dans le département de la Moselle : le Parc animalier de Sainte-Croix;
- etc..
Maintenant vous en savez davantage sur la tortue de Floride et les dangers qu’elle représente pour l’écosystème français. À présent, nous comptons sur vous pour faire de la prévention autour de vous.
Et si vous voulez faire une bonne action pour l’environnement, n’hésitez pas à agir si vous en voyez une dans la nature !
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