Transition Énergétique : où en est-on aujourd’hui ?

Le concept de transition énergétique date des années 1970, quand on entrevoyait la finitude des ressources et la nécessité d’optimiser l’usage de celles-ci. Depuis, la crise énergétique n’a cessé d’empirer et le besoin de rationaliser la consommation d’énergie mondiale est devenu une priorité politique. L’Europe en a fait son cheval de bataille dès les premiers jours de sa construction, et la France a déjà légiféré plusieurs fois pour mettre en place une réglementation efficace. Quelle était l’ambition française en 2015 quand est sortie la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte, et quels objectifs s’était-elle alors fixés ? Et aujourd’hui, quelle est la situation comparée à ces objectifs ambitieux de 2015 ? Enfin, que peut-on espérer de l’avenir en matière de réduction des gaz à effets de serres et réduction d’énergie ?
La transition énergétique : l’ambition initiale
La Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) a été publiée en août 2015, avec pour objectif d’adapter la France aux enjeux critiques de l’épuisement des ressources et de la protection de l’environnement. Ce nouveau modèle énergétique visait également à créer des emplois et permettre la « croissance verte ». Ses objectifs en étaient les suivants :
- La réduction des émissions de gaz à effet de serre: réduction de 40 % en 2030, division par 4 à l’horizon 2050, par rapport à 1990
- La réduction de la consommation énergétique: division par 2 d’ici 2050 par rapport à 2012
- L’atteinte d’une proportion de 32 % des énergies renouvelables dans le mix énergétique en 2030, avec un objectif intermédiaire de 23 % en 2020
- La réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité en 2025
- La réduction des énergies fossiles de 30 % en 2030, comparé à 2012
- L’amélioration de l’efficacité énergétique, notamment en termes de performance énergétique des bâtiments
- La lutte contre la précarité énergétique, qui devait permettre à tous l’accès à l’énergie
- La réduction de la production de déchets de 50 % d’ici 2025
La Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte définissait également les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs. Ceux-ci passaient très logiquement par la rénovation des bâtiments, le développement de transports propres, le déploiement des énergies renouvelables, l’instauration d’une économie circulaire et anti-gaspillage, la simplification des procédures et l’émergence de nouveaux emplois. Avec une agence dédiée, l’ADEME – l’Agence de la transition écologique – fondée en 1991, les pouvoirs publics accompagnent les acteurs locaux dans leur transition énergétique, sur le terrain.
En 2019, dans un contexte d’urgence climatique, la loi Énergie-Climat est venue renforcer les objectifs de la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte. Il s’agit désormais d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et de diviser les gaz à effet de serre non plus par 4, mais par 6, d’ici là. De même, l’objectif de réduction des énergies fossiles est passé de -30 % à -40 %.
Des objectifs ambitieux, donc. Mais quels sont les résultats ?
La transition énergétique aujourd’hui
La réduction des gaz à effet de serre
Rappelons-le, les gaz à effet de serre, principaux responsables du réchauffement climatique, sont dus pour 35 % à la combustion des énergies fossiles telles que le gaz, le charbon ou le pétrole. Pour atteindre l’objectif ambitieux de moins 40 % en 2030 par rapport à 1990, il faudrait avoir atteint en 2020 une diminution déjà significative de ces émissions. D’après Europe en France, il faudrait pour cela réduire les émissions de 6 à 8 MtCO2/an de 2013 jusque 2030. La réduction existe, de fait, ce qui est déjà une bonne nouvelle. Mais au rythme de 3 MtCO2/an en moyenne, c’est malheureusement insuffisant. Le premier fautif est le secteur des transports, qui représentait 38 % des émissions en 2017. C’est l’un des secteurs prioritaires pour une transition énergétique réussie.
La part d’énergies renouvelables
Par opposition aux sources d’énergies fossiles, qui mettent des millions d’années à se constituer, les énergies renouvelables se régénèrent à l’échelle humaine, on peut donc les considérer comme inépuisables. Rappelons que l’objectif était qu’elles représentent 32 % du mix énergétique de la France en 2030. En 2019, 17,2 % seulement de la consommation finale d’énergie était issue de la production d’énergies renouvelables. Bien que l’on observe une progression de huit points depuis 2005, on comprend qu’il va être difficile d’atteindre l’objectif de 23 % en 2020, prévu dans la transition énergétique.
On progresse, mais on est donc loin du compte. La France fait figure de mauvais élève de l’Europe en se plaçant quinzième pays d’Europe en termes de proportion d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie. Un comble pour ce pays qui est le deuxième pays d’Europe, derrière l’Allemagne, pour sa production et consommation d’énergies renouvelables. Un sacré retard donc, qu’il va être difficile de rattraper.
La consommation énergétique
Pour que la transition énergétique ait lieu, il faut certes réduire les émissions de gaz à effet de serre et augmenter la part d’énergies renouvelables, mais aussi diminuer drastiquement notre consommation d’énergie. C’est ce que l’on appelle l’efficacité énergétique. Comme dit plus haut, il était question de diviser par deux la consommation de la France d’ici 2050. Si celle-ci diminue en effet, en moyenne, de 0,4 % depuis 2012, on reste loin de l’objectif défini.
Les secteurs les plus énergivores sont ceux du résidentiel-tertiaire (l’ensemble de la consommation des ménages pour leur logement et des industries du tertiaire, hors transport) et des transports. Concernant le résidentiel-tertiaire, qui représente 46 % de la consommation finale d’énergie en France, des mesures sont prises pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments. Le Crédit d’Impôt Transition Énergétique (CITE), par exemple, octroie des réductions d’impôts pour les citoyens qui investissent dans l’amélioration de l’efficacité énergétique de leur logement. Depuis cette année, ce dispositif est graduellement remplacé par MaPrimeRenov, une aide basée sur la performance énergétique et attribuée en priorité aux foyers modestes.
Juste derrière, le secteur des transports représente 32 % de la consommation d’énergie finale de la France, et malheureusement, sa consommation ne cesse d’augmenter. Des changements d’habitudes, des modifications structurelles, s’imposent pour atteindre la sobriété énergétique dans ce domaine.
Le dilemme du nucléaire
Rappelons une fois de plus l’objectif initial de la transition énergétique, concernant la sortie du nucléaire : il ne devait plus représenter que 50 % des sources de production d’électricité en 2025. Cet objectif a été abandonné en 2017, car sa viabilité aurait imposé de maintenir en activité des centrales à charbon, et de rouvrir d’autres centrales thermiques. Atteindre cet objectif aurait donc signifié une aggravation très significative de l’émission de gaz à effet de serre. Le nucléaire en effet, s’il pose un certain nombre de problèmes notamment sur le plan de la sécurité, permet de limiter la production de CO2. Sa part dans la production électrique de la France est aujourd’hui de 70 %, et l’objectif est désormais de s’octroyer jusqu’en 2035 pour atteindre la proportion de 50 %.
Quel avenir pour la transition énergétique
Le verre à moitié vide
En 2019, l’Agence Internationale de l’énergie indiquait dans son rapport que les investissements réalisés par la France n’étaient pas alignés avec l’accord de Paris sur le climat. En effet pour obtenir des résultats probants, à la mesure des objectifs ambitieux qui ont été fixés dans le cadre de la transition énergétique, il faudrait une forte volonté politique et un changement en profondeur de notre mode de vie. Le changement est certes amorcé, mais il est encore trop lent, et seul un changement de politique radical, ainsi que des investissements conséquents, seraient à la hauteur des enjeux actuels.
Le verre à moitié plein
Si l’urgence climatique est loin d’être une bonne nouvelle, elle a néanmoins permis à la majorité d’ouvrir les yeux et de faire de la transition énergétique une priorité française, européenne, mondiale. Ainsi, même si la route est longue, elle va dans la bonne direction. Comme souligné en juin 2020 par Philippe Masset, Directeur adjoint Europe et International à l’ADEME : « La transition écologique reste une nécessité impérieuse et doit faire partie des solutions de sortie de crise ».
La société de notation financière Standard & Poor’s Global Ratings estime qu’en 2030 les énergies renouvelables devraient représenter 43 % des volumes produits en Europe. Une prédiction qui, si elle se confirme, serait au-delà des objectifs fixés par la France pour son seul territoire en 2015. D’ailleurs la France a adopté en avril 2020 sa Programmation Énergétique (PPE) pour les dix années à venir, et prévoit d’atteindre 33 à 36 % d’électricité provenant de ressources renouvelables. Bien que l’électricité ne représente qu’une part de la consommation d’énergie totale, cela reste un objectif de transition énergétique intéressant.
De même, on note une vraie volonté de la France de réduire sa consommation de pétrole, qui a un impact si nocif sur la qualité de l’air et le climat. Pour ceci, le gouvernement encourage fortement l’acquisition de véhicules électriques. Il a également investi 1,5 milliard d’euros dans la recherche afin de développer un avion neutre en carbone. Il promeut l’usage du train sur les distances plus courtes. Même si le chiffre reste insuffisant – il faudrait que ce soit le double – la France installe un gigawatt de panneaux solaires par an. Et en 2019, le premier chantier français d’éoliennes en mer a démarré à Saint-Nazaire, un ambitieux projet de la transition énergétique, qui devrait être mis en service en 2022.
Enfin, plus symbolique mais important aussi, avec son programme d’aide à la réparation de vélos, la France espère voir passer l’usage de ce moyen de transport de 3 % à 9 % à l’horizon 2024.
Le Green Deal européen
Pour terminer, il est important de souligner le rôle prépondérant que joue l’Europe dans la transition énergétique. Le Green Deal, avec son objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, en est une preuve irréfutable. Il reste beaucoup à mettre en œuvre, notamment car la réussite de ce pari devra impacter transversalement les politiques publiques européennes sur bien des fronts : l’énergie, l’agriculture, l’industrie ou encore les transports. La présentation du plan de la Commission pour y parvenir a été retardée à cause du Covid, mais elle assure qu’elle saura profiter de ce report pour consacrer plus de temps à l’analyse des objectifs.
La transition énergétique progresse, mais beaucoup trop lentement. Confrontée à des enjeux économiques et géopolitiques, elle doit être portée par une volonté politique européenne ultra musclée pour pouvoir enfin s’accélérer. Car paradoxalement, l’acceptation de la nécessité absolue d’une transition énergétique n’a jamais été aussi forte. Espérons que ce sursaut de prise de conscience et d’éveil à l’écologie, saura donner l’impulsion qui manque à un virage radical. Pour qu’enfin les résultats correspondent aux objectifs toujours plus ambitieux, définis par la France et par l’Europe.
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